François Dumont, le sentiment d’une évidence, rencontre.

Quelle est votre histoire avec le Festival Chopin ?

François Dumont : J’ai eu la chance d’être invité pour la journée « Piano à portes ouvertes » à vingt ans, à peine sorti de la classe de Bruno Rigutto, grand chopinien. Les liens ont d’emblée été très forts et je suis revenu régulièrement, notamment après mon 5^e Prix au Concours Chopin en 2010. Ce sont toujours des concerts très marquants, qui poussent à explorer l’œuvre de Chopin. Je me souviens d’un concert [en 2022] où la Sonate La Tempête de Beethoven succédait à la Troisième Ballade et à la Grande Valse brillante – cela soulignait toute la force dramatique des deux compositeurs. Et puis le lieu est magique, il crée un lien fort avec le public.

« Le lieu est magique, il crée un lien fort avec le public. »

Cela joue-t-il sur l’interprétation ?

F.D. : Bien sûr. En tant que musiciens, nous sommes ultra sensibles à ce qui se passe autour de nous. À Bagatelle, l’environnement est intimiste, poétique, bucolique, détendu. Il donne sa chance au rêve. Cela m’évoque un peu de cette atmosphère quand George Sand raconte qu’elle entendait Chopin improviser à Nohant, la fenêtre ouverte.

Quel est votre programme cette année ?

F.D. : C’est un programme pensé pour le festival, même s’il fait suite à mon récent disque « Clair de lune » (label La Mùsica), enregistré sur le piano de Debussy. La berceuse du Nocturne en ré bémol op. 27 comme le grand Nocturne en ut dièse op. posthume s’accordent bien à l’esprit de la Suite bergamasque – et de Clair de lune en particulier. Debussy avait pour Chopin une admiration sans borne et ces pages de jeunesse s’en ressentent énormément.

Comment regardez-vous l’évolution de votre interprétation de Chopin ?

F.D. : Fou Ts’ong, inimitable dans ses interprétations de Chopin, m’a transmis cette flamme : on se base sur une tradition pour construire sa propre version. Il y a chez Chopin beaucoup d’implicite qu’il faut éclaircir. Quand on s’approche de l’essence de cette musique, on a le sentiment d’une sorte d’évidence… qui est très différente pour chacun d’entre nous. C’est une musique qui nous fait toujours grandir. Nous avons besoin de sa poésie et de son lyrisme.

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun