Caroline Marcilhac invite Léna Bokobza-Brunet
Passeuse de littératures dramatiques [...]
Focus -338-Médusée : Léna Bokobza-Brunet croise mythe et pop culture à Théâtre Ouvert
Dans Médusée, Léna Bokobza-Brunet prend la parole pour dire son histoire et imaginer des modèles de relations qui déjouent les périls que la société patriarcale fait peser sur les femmes.
Qu’est-ce qui vous a mise sur le chemin du mythe de Méduse ?
Léna Bokobza-Brunet : Je suis passionnée par la mythologie depuis mon plus jeune âge. Ensuite, lorsque j’étais étudiante à l’École supérieure de Comédien.ne.s par l’Alternance, j’ai eu l’occasion de lire La véritable histoire de la gorgone Méduse, une pièce de Béatrice Bienville qui m’a fait reprendre contact avec cette figure que j’avais un peu oubliée. Je me suis alors rendu compte que ce mythe était porteur de sujets qui me touchaient beaucoup, autant intimement que politiquement. À partir de ce moment-là, j’ai commencé à être un peu obsédée par Méduse, ainsi que par tous les personnages de femmes monstres ou victimes de métamorphoses, comme Scylla, Circé, Arachné, Daphné…
C’est alors qu’est née l’idée de cette pièce ?
L.B.-B. : Oui, car parallèlement à cette plongée dans le mythe de Méduse, j’ai découvert la scène de cabaret parisienne, notamment Madame Arthur et La Bouche, grâce à laquelle j’ai réalisé que je pouvais créer un personnage de drag queen, même en étant une femme cisgenre. Je me suis donc lancée dans cette aventure et j’ai imaginé une créature que j’ai appelée Médusa. Ce personnage de drag queen évolue dans un univers conjuguant théâtre, interlude musicaux et chansons (ndlr, de Dalida, Juliette Armanet, Boys Town Gang…). Le texte a surgi de moi comme une libération. Je crois que j’avais besoin de parler des violences sexuelles, de la construction amoureuse, de la quête de réparation par la sororité. J’avais besoin de raconter mon histoire, de mettre une voix de plus dans la balance de la parole féminine qui se libère.
Quelle forme revêt cette prise de parole qui met en jeu trois protagonistes ?
L.B.-B. : J’ai voulu mélanger la mythologie à notre monde actuel, mettre en miroir la figure de Méduse, accompagnée sur scène par ses deux sœurs gorgones, à ma propre existence. Le cabaret permet d’allier une adresse à la fois politique et très accessible, ouverte, lumineuse… Je crois que Médusée est le spectacle auquel j’aurais aimé assister après l’agression sexuelle que j’ai subie. J’ai essayé de mettre les bons mots aux bons endroits, des mots qui permettent d’entamer un chemin de réparation évidemment douloureux, mais aussi fait de joie et de tendresse.
Manuel Piolat Soleymat
Du lundi au mercredi à 19h30, le jeudi et vendredi à 20h30, le samedi à 18h.
Théâtre Ouvert - Centre national des dramaturgies contemporaines,
159 avenue Gambetta, 75020 Paris.
Tél. : 01 42 55 55 50.