Ambre Kahan met en scène « L’art de la joie » de Goliarda Sapienza

Quelle envie vous a amenée à vous emparer de ce roman ?

Ambre Kahan : Je me suis dit que j’aurais aimé découvrir ce texte plus tôt, qu’il s’agit d’une parole essentielle à entendre et à partager aujourd’hui. Cette urgence m’a convaincue. Nous suivons la vie de Modesta de son enfance à l’âge adulte. Elle est vivante, mouvante, transgresse toutes les règles, n’est pas dans la dénonciation, mais plutôt dans l’affirmation. Elle traverse le siècle avec un appétit de savoir, de comprendre et d’agir insatiable. Au sens où Deleuze définissait la joie, Modesta est une femme puissante, une femme qui part à la conquête d’elle-même. Sa complexité nous fait du bien, tout comme le regard terriblement clairvoyant qu’elle porte sur notre humanité.

« Il s’agit d’une parole essentielle à entendre et à partager aujourd’hui. »

Qu’est-ce qui a guidé votre travail ?

A.K. : La fidélité à l’œuvre. J’ai voulu retenir le plus de choses possible du roman pour rester dans le mouvement de l’écriture où la forme rejoint le fond, où l’on passe de l’essai philosophique au boulevard en explorant tous les registres. Pour faire vivre ces mots, pour faire exister la fresque historique dans laquelle ils s’insèrent, j’ai imaginé un plateau où les scènes se juxtaposent et se chevauchent, afin de démultiplier les points de vue spectaculaires. En ce qui concerne la scénographie, j’ai joué sur les profondeurs de champs, sur le proche et le lointain, simultanément. Et puis, il y a cette extraordinaire rencontre avec Noémie Gantier qui incarne Modesta. Elle est présente sur le plateau durant tout le spectacle. Quand elle parle, c’est comme si les mots de Modesta étaient les siens. C’est assez fou de voir une telle fusion.

Propos recueillis par M-E.D.D.M.