La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -336-Cité internationale de la langue française - château de Villers-Cotterêts : un kaléidoscope vivant de notre langue

À la Cité, tout en résonances et expériences, Paul Rondin fait vivre une fête foraine des mots, une fête foraine de la langue

À la Cité, tout en résonances et expériences, Paul Rondin fait vivre une fête foraine des mots, une fête foraine de la langue - Critique sortie  Villers-Cotterêts Cité internationale de la langue française - château de Villers-Cotterêts
© B. Gavaudo – CMN Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française

Entretien / Paul Rondin

Publié le 25 septembre 2025 - N° 336

Directeur de la Cité internationale de la langue française, Paul Rondin nous présente ce lieu de vie et de découvertes ouvert à toutes les disciplines : expositions, concerts, théâtre, humour, conférences…

Qu’est-ce qui a motivé l’installation de la Cité internationale de la langue française au sein du château de Villers-Cotterêts ?

© Ludo Leleu – CMN Cour du jeu de paume de la Cité internationale de la langue française.

Paul Rondin : Le fait que ce monument historique soit le lieu au sein duquel, en 1539, François 1er a signé l’ordonnance (ndlr, dite de Villers-Cotterêts) qui a fait du français la langue du royaume et donc, par la suite, de la nation, puis de la république. Ce qui est très intéressant, c’est que François 1er ne voulait pas une langue qui écrase tout, mais une langue d’égalité, ce qui à l’époque était une vision vraiment avant-gardiste. En grand roi humaniste, il souhaitait que chacun puisse être administré et jugé dans une langue qu’il comprenait. Quelques années auparavant, il a également créé le Collège royal, qui est devenu le Collège de France, pour que les savoirs soient enseignés et partagés, en français bien sûr, mais aussi en latin, en grec, en hébreu et en arabe. François 1er a donc donné une identité linguistique à son royaume, mais dans le même temps il a dit que cette identité linguistique devait s’affirmer au sein du multilinguisme, ce qui résume finalement assez bien ce qu’est la Cité internationale de la langue française.

Quelles sont les missions de cet établissement ?

P.R. : Dépendant à la fois du Centre des monuments nationaux et du ministère de la Culture, la Cité internationale de la langue française a une mission de partage des œuvres avec le plus grand nombre, donc une mission de transmission, d’éducation artistique et culturelle, avec une attention particulière envers les personnes qui seraient dans des situations d’illettrisme ou d’illectronisme (ndlr, inhabileté numérique) : tout ceci dans une dimension internationale. Cet établissement culturel de service public témoigne du fait que le français n’est pas une langue qui appartient uniquement à la France, c’est une langue qui appartient au monde. Car le français se parle, s’écrit et s’invente partout. La Cité internationale de la langue française n’est pas un soleil qui voudrait rayonner sur le monde, mais une cité qui entre en résonance avec tous les pays qui se saisissent de la langue française. De Kinshasa à Québec, en passant par Alger, on ne demande pas d’autorisation à la France pour parler le français et l’augmenter en permanence.

« La Cité internationale de la langue française bouillonne sans cesse, elle est habitée en permanence. »

Comment faites-vous vivre ce projet depuis 2023 ?

P.R. : D’abord, il faut dire que ce projet est né d’un commissariat coordonné par Xavier North, avec des dizaines de contributrices et contributeurs, comme Barbara Cassin, Zeev Gourarier et Hassane Kassi Kouyaté. Le cœur battant de la cité est un parcours permanent de 1200 m2, conçu par l’agence Projectiles, qui propose une expérience extraordinaire. C’est une fête foraine des mots, une fête foraine de la langue. Car bien sûr, la Cité est un établissement sérieux, extrêmement érudit, scientifiquement imparable, mais en même temps, elle rend accessible les sujets qu’elle transmet par le biais de jeux, d’expériences joyeuses et divertissantes. Tous les aprioris de difficulté, voire d’ennui, qui pourraient coller à une maison dédiée à la langue française n’ont, en ce qui nous concerne, pas lieu d’être.

Que raconte ce parcours de 1200 m2 ?

P.R. : Il nous place à l’endroit de la naissance des langues. Très vite, on comprend que si le français a ensemencé beaucoup d’autres langues, lui-même est né à travers les siècles et les continents de nombreux apports et influences. Notre parcours fait cette démonstration magnifique. Il visite l’immatérialité du français tout en rendant concrètes ses incarnations contemporaines multiples. Tout au long de ce parcours, on est ainsi amené à découvrir les rapports entre la langue et ses créateurs, c’est-à-dire celles et ceux qui sans arrêt l’inventent et la transforment. On parle aussi bien de Samuel Beckett que de rappeurs ou d’humoristes. On voit ainsi comment les mots circulent, d’où ils viennent, comment la colonisation a imposé le français dans certains pays, comment ensuite, après la décolonisation, des femmes et des hommes se sont emparés de la langue française comme d’un butin de guerre. C’est le cas de Kateb Yacine, par exemple, qui disait qu’il n’avait pas d’autorisation à demander à qui que ce soit pour parler, écrire et rêver en français. Comme je le dis souvent, nous ne sommes pas un musée, mais bien une cité qui propose des expériences en lien avec la langue à des personnes de tous âges et de tous horizons. Ici, on peut se balader et jouer, par exemple grâce à des dispositifs numériques interactifs. La Cité internationale de la langue française bouillonne sans cesse, elle est habitée en permanence, notamment par des chercheurs, des enseignants, des artistes du monde entier venus y travailler à l’occasion de résidences. Et puis, il y a notre programmation culturelle pluridisciplinaire qui inclut, en autres, une grande exposition temporaire annuelle. Il se passe toujours quelque chose à la Cité, qui a été conçue comme un lieu de découverte, de plaisir et de liberté.

 

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Cité internationale de la langue française - château de Villers-Cotterêts
1 place Aristide Briand, 02600 Villers-Cotterêts

(Accessible par TER en 55 minutes depuis la gare de Paris-Nord)

Tél. : 03 64 92 43 43.

Programmation culturelle complète, tarifs et gratuités sur

www.cite-langue-francaise.fr

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