Finies les prouesses d’habileté, finis les pas de danse, fini le texte : Fissure fait place nette autour du clown. Restent une esthétique soignée, les machineries de scène, et le personnage. Ce dernier apparaît vêtu d’un costume rappelant un acteur de kabuki : fardée de blanc sous une immense perruque rouge, veste verte boutonnée au col sur une robe blanche, l’étrange créature est sans âge et sans genre. Quand les lumières s’éteignent, le clown s’ébranle : dans sa maladresse infinie, les gestes les plus anodins recèlent un danger mortel. Commence alors un enchaînement de saynètes, où il découvre mille façons de s’accidenter, dans un lieu de vie qu’il détruit à mesure que le spectacle avance. Les ressorts du clown burlesque fonctionnent : le public rit de la catastrophe, et, si l’issue est tragique à chaque fois, toujours le personnage se relève après un noir de quelques secondes. « A force de mourir, il épuise la mort, » en écrit Camille Boitel. À chaque cycle, un éclairage monté sur bras parcourt un demi-cercle de cour à jardin, tel un astre artificiel dans un monde de poche.
Laisser le clown effondrer le spectacle
Graduellement, les gags font place à autre chose : l’accumulation des incidents désamorce le rire en le fatiguant, et le tragique apparaît. La répétition sans fin des morts produit un effet d’épuisement. Le spectacle finit par se déliter à dessein : il se dérythme, les machineries se coincent, les trucages achoppent. Camille Boitel avertit : « Fissure est une fiction qui se joue d’elle-même. » Comme si le clown venait contaminer la mise en scène : le personnage accumule les échecs, puis le spectacle même finit par échouer. C’est une prise de risque : le public peut être dérouté par cette mise en abîme qui n’offre plus le secours du rire, d’autant que Fissure souffre d’une durée excessive dans le format présenté à sa création. Les intentions des auteurs ne sont pas encore nettes : clown absolu, auto-dérision, commentaire sur la vacuité de la représentation, on ne sait où ils ont voulu nous emmener. On traverse la dernière demi-heure un peu désemparé, mais sans doute est-ce le but ? C’est un spectacle avec un fort potentiel, à condition qu’il soit précisé et resserré : il sera intéressant de suivre son évolution.
Mathieu Dochtermann
à 19h sauf lundi à 20h, vendredi 13 à 20h, vendredi 20 à 21h, relâche mercredi et dimanche. Tél : 01 43 13 50 60. Spectacle vu à la Comédie de Caen. Durée : 1h15.
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