Théâtre - Critique

Fin de partie

Fin de partie - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Essaïon


Théâtre Essaïon / Samuel Beckett / mes Jean-Claude Sachot

Le texte de Fin de partie est d’une simplicité profonde. Hamm est aveugle et impotent. Cloué sur son siège – qui ressemble dans la mise en scène de Jean-Claude Sachot à un trône dérisoire – il maugrée, vitupère et rouspète toute la journée. Avec lui, son valet – son auxiliaire de vie dirait-on aujourd’hui pour le plus grand plaisir certainement de Beckett -, le claudiquant Clov, qui pourrait être aussi son fils adoptif, ou tout simplement sa femme. En effet, comme dans un vieux couple, l’attachement entre les deux est aussi inextricable qu’inexplicable tant la rancœur ne cesse de les opposer. Pendant ce temps, en fond de scène, chacun dans sa poubelle-cercueil, les parents de Hamm, devenus culs-de-jatte suite à un accident de tandem, sortent de temps en temps de leur boîte. Jean-Claude Sachot les a rhabillés de leurs tenues de mariés maintenant mitées par les années. Ensemble, ils évoquent le passé, mais aussi réclament à manger, ou à ce qu’on change la terre où ils croupissent, comme des chats qui voudraient qu’on leur nettoie leur litière. Fin de partie propose donc un huis clos fantastique dans une atmosphère de fin de vie et de fin du monde, huis clos qui est aussi une journée comme les autres, une ultime comédie, une dernière partie d’échecs où le but du jeu, on le sait, reste bien de tromper le désespoir.

Beckett avait de l’humour

Le texte de Fin de partie superpose les niveaux de lecture. Bien sûr, il ne se passe rien, ou pas grand-chose dans les pièces de Beckett, si ce n’est le ressassement de discours en fin de course, où se dévoile de plus en plus l’ordinaire condition humaine. Dans ce cadre, Philippe Catoire et Jérôme Keen ont ce grand mérite de donner du sens à chacune de leurs répliques, de faire en sorte que s’y superposent à chaque fois la situation concrète et sa portée métaphorique, pour ne pas dire existentielle. En Hamm, Catoire est névrosé, facétieux, colérique et cabotin. En Clov, Keen au crâne rasé porte dans son corps la souffrance mais aussi l’énergie du désespoir. Ensemble, ils traversent les dimensions que Beckett empile dans son écriture et mélangent les registres quand on oublie trop souvent combien Beckett avait de l’humour. Ainsi, le tragique devient souvent drôle sans perdre de sa profondeur, et le désespoir ordinaire de notre condition résonne en éclats de rire et clins d’œil que le dramaturge anglais distille tout au long de sa pièce. L’interprétation donne ainsi à voir de son excellence tout en se mettant au service du texte, tout comme la mise en scène conjuguant habilement l’absurde, le terrible et le burlesque.

Eric Demey

 

A propos de l'événement


Fin de partie
du jeudi 29 janvier 2015 au samedi 4 avril 2015
Théâtre Essaïon
6 Rue Pierre au Lard, 75004 Paris, France

du jeudi au samedi à 21h30. Tel   : 01 42 78 46 42.


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