Théâtre - Critique

Fauves de Wajdi Mouawad

Fauves de Wajdi Mouawad - Critique sortie Théâtre


texte et mes Wajdi Mouawad

Que les passionnés de récits économes, ramassés, décharnés passent leur chemin. Avec sa dernière pièce, intitulée Fauves*, Wajdi Mouawad poursuit son chemin d’auteur de théâtre épique et hyperbolique. Durant quatre heures, le directeur du Théâtre national de la Colline nous raconte l’histoire d’Hippolyte Dombre, un cinéaste qui découvre chez le notaire, peu après le décès de sa mère, tout un pan de l’existence de cette dernière. Il apprend, à cette occasion, que l’homme qu’il pensait être son père n’était en réalité pas son géniteur. S’envolant pour le Québec à la rencontre de son père biologique, Hippolyte ouvre une boîte de Pandore qui va bouleverser son existence, ainsi que celle de ses deux enfants. Car c’est aussi l’histoire de Lazare et de Vive que relate ce drame familial accumulant péripéties et rebondissements. Tout comme celle de leurs aïeules et aïeux, sur plusieurs générations. Emblématique des préoccupations qui composent le théâtre de Wajdi Mouawad depuis ses débuts, dans les années 1990, Fauves dévoile à l’envi toutes sortes de circonstances dramatiques liées aux thèmes de la filiation, de la mort, du destin, du mal-être, de la violence des hommes et de la dureté du monde.

Le mouvement mystérieux et sans fin de ce qui nous dépasse

Tout cela, en distordant l’échelle du temps. Ici, le présent et le passé s’entremêlent dans une spirale qui peut donner le tournis. Les flash-backs se succèdent. De nombreuses scènes se répètent (à l’identique ou à travers de légères variations), donnant une impression de systématisme qui vient parfois alourdir la représentation. De même, certaines digressions narratives, dans la seconde partie du spectacle, peuvent paraître superflues. Mais l’écriture de Wajdi Mouawad est à prendre comme elle est : avec ses excès, qui sont le pendant de sa sincérité et de sa générosité. De son talent, aussi. Venant contrebalancer une propension à sonder toutes les racines des situations qu’il fait naître, la mise en scène de l’auteur – pleine de précision, de fluidité, de justesse – permet à Fauves de ne jamais définitivement s’abîmer dans le trop. La direction d’acteur se révèle à l’avenant. Sensibles sans donner dans le lyrique, concrets sans user de facilités psychologiques, les onze interprètes de cette fresque sur les origines (Ralph Amoussou, Lubna Azabal, Jade Fortineau, Hugues Frenette, Julie Julien, Reina Kakudate, Maxime Le Gac-Olanié, Jérôme Kircher, Norah Krief, Gilles Renaud et Yuriy Zavalnyouk) sont remarquables. Des petites choses de l’existence aux grandes intuitions sur notre condition, toutes et tous éclairent de leur densité le mouvement mystérieux et sans fin de ce qui nous dépasse.

 

Manuel Piolat Soleymat

* A paraître aux Éditions Leméac / Actes Sud-Papiers.

A propos de l'événement


Fauves
du jeudi 9 mai 2019 au vendredi 21 juin 2019

15 rue Malte-Brun, 75020 Paris.

Du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h. Durée de la représentation : 4h avec entracte. Tél. : 01 44 62 52 52. www.colline.fr


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