Théâtre - Entretien

Entretien Pierre-Yves Chapalain

Entretien  Pierre-Yves Chapalain - Critique sortie Théâtre


On vous connaît comme acteur, fidèle compagnon de route de Joël Pommerat. Comment êtes-vous passé à l’écriture et à la mise en scène ?
J’écris depuis longtemps. Puis le désir est venu de rendre cette parole vivante, d’entendre cette langue singulière, qui me vient de mes parents. Une langue parfois hors des usages syntaxiques, faite d’irrégularités et de trouées d’où surgissent des images, des sensations qui se déploient sans logique linéaire apparente mais suivant pourtant un cours implacable. J’ai commencé par un monologue que j’ai joué. Aujourd’hui, je veux me mettre hors du plateau pour voir de l’extérieur, pour changer l’angle du regard. Ma démarche est sans doute née d’un questionnement d’identité, qui d’ailleurs travaille beaucoup les personnages de ma pièce. A travers le processus de création de Joël Pommerat, j’entends des résonances de moi-même dans son écriture. C’est une autre façon de les entendre que je tente aujourd’hui.

« Le texte frotte des situations quotidiennes, prosaïques, et des forces archaïques, obscures, intemporelles, qui agissent les êtres, comme dans le théâtre antique. »

La pièce tire ses fils sur la trame de la tragédie grecque mais s’inscrit dans le quotidien d’une famille « ordinaire ». Pourquoi ?
Plusieurs niveaux se superposent dans le récit, qui fonctionne par échos, sur les ressorts du suspense. L’histoire se déroule dans la maison d’une famille, banale semble-t-il. L’intrusion d’un élément étranger va peu à peu modifier le comportement des uns et des autres, soudain confrontés à des faits inexplicables, à des forces invisibles, à l’incertitude, à l’angoisse. Ce changement craquelle le rempart des silences, exhume des questionnements sur la filiation. L’ombre des souvenirs, l’énigme des disparus habitent ces gens. Des secrets enfouis durant des années finissent par s’échapper, le passé par se révéler. Le texte frotte des situations quotidiennes, prosaïques, et des forces archaïques, obscures, intemporelles, qui agissent les êtres, comme dans le théâtre antique. Ce tragique-là, qui flirte parfois avec le clownesque, correspond pour moi à notre expérience individuelle, plus que les grandes épopées. Il est éminemment contemporain.

On sent aussi l’influence de Maeterlinck, dans la manière d’écriture…

Ses pièces m’ont beaucoup marqué, parce qu’elles laissent entrevoir un sens au-delà et deviner des mondes insoupçonnés, prêts à surgir, au seuil du réel.

 « Ne surtout pas composer ni fabriquer un personnage, il est très important d’aller chercher dans sa propre humanité et d’être au présent » écrivez-vous dans les didascalies. Comment parvenir à ce parler simple, à dépouiller le jeu de tout artifice ?

Nous essayons d’ancrer le récit dans un ici et maintenant, d’amener le public à être parti prenante de l’intimité qui se déroule sur le plateau. Le travail s’appuie sur la mise en confiance, pour que les comédiens mettent en jeu ce qui se passe en eux quand ils disent les mots, pour qu’ils trouvent la force d’évidence du texte. Comme dans un documentaire filmé sur le vif.

Entretien réalisé par Gwénola David


La lettre, de Pierre-Yves Chapalain, du 10 octobre au 9 novembre 2008, à 20h30, sauf dimanche 16h30, relâche lundi, au Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris. Rens. 01 43 28 36 36 et www.la-tempete.fr.

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