Théâtre - Entretien

Entretien Michel Deutsch



Quel regard portez-vous, aujourd’hui, sur les « années de plomb » allemandes
?

Michel Deutsch : Même s’il est irresponsable, je considère toujours le
geste du groupe Baader-Meinhof comme un geste intéressant. Il s’agit d’une
posture extrêmement radicale qui réunit toute une génération de jeunes gens nés
pendant la seconde guerre mondiale, ou immédiatement après, des jeunes gens qui,
en plus de vouloir renverser par les armes l’état capitaliste, demandent des
comptes à leurs pères par rapport à leur participation au régime nazi. Ce
mouvement apparaît aujourd’hui d’autant plus mythique que notre manque d’horizon
de pensée le place à l’endroit d’un acte de révolte extraordinaire. Evidemment,
le problème est que cette révolte a entraîné de nombreuses morts’

Pourquoi avez-vous souhaité réinvestir ces événements au théâtre ?

M. D. : A travers mon théâtre, j’essaie de savoir d’où je viens, de
comprendre mon histoire et donc de me comprendre moi-même, de me situer en tant
que citoyen par rapport au monde. C’est l’une des principales raisons qui me
poussent à m’inspirer de périodes ou d’événements historiques, comme cela a été
le cas avec Thermidor, Skinner, Histoires de France? Car je
ne peux que constater que les grands médias passent leur temps à nous empêcher
d’avoir un passé, ou bien à nous inventer un passé totalement « disneylandisé ».

« Faire du théâtre, c’est prendre ma responsabilité de
citoyen en portant un regard sur l’histoire.
 »

Selon vous, le théâtre est donc l’un des derniers refuges contre cette dérive
médiatique?

M. D. : Oui. Je pense que le théâtre peut nous aider à parvenir à une
conscience claire de ce qui se passe et ce qui s’est passé. Les origines de
l’art dramatique sont d’ailleurs précisément liées à cette fonction-là. Le
théâtre athénien était avant tout un théâtre de la cité démocratique. Pour moi,
aujourd’hui encore, faire du théâtre, c’est prendre ma responsabilité de citoyen
en portant un regard sur l’histoire. Bien sûr, sans pour cela chercher à
expliquer quoi que ce soit de façon didactique. Le rôle du théâtre, c’est de se
placer du côté du mythe, c’est de créer l’endroit au sein duquel la politique se
sépare du mythe pour parvenir à le déconstruire. Et ceci n?est possible qu’à
travers une forme de poétique.

A partir de quelle approche scénique avez-vous conçu votre mise en scène ?

M. D. : Mes origines théâtrales sont brechto-müllériennes. C’est-à-dire
qu’il y a Brecht qui apporte la raison sur la scène et Müller qui part de cette
raison brechtienne pour la saborder. J’ai envie d’assumer cette
contradiction-là. Ce qui veut dire que les interprètes de Mensch oder Schwein
/ La décennie rouge
sont une bande de jeunes gens, qui ont l’âge des
protagonistes, à qui j’ai demandé de s’emparer du texte. Je crois qu’une fois
sur scène, la théorie s’arrête. C’est alors le plateau qui l’emporte, les
comédiens et le théâtre qu’ils font naître.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

Mensch oder Schwein / La décennie rouge, texte et mise en scène de Michel
Deutsch. Du 17 mai au 4 juin 2007. Du lundi au samedi à 20h30, le dimanche à
15h30, relâche les 21, 27 et 28 mai 2007. MC93 Bobigny, 1, boulevard Lénine,
93000 Bobigny. Réservations au 01 41 60 72 72 et sur
www.mc93.com.

A propos de l'événement




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