Théâtre - Critique

Dom Juan

Dom Juan - Critique sortie Théâtre


Le théâtre, juché sur le glorieux piédestal de la culture estampillée, nous intimiderait-il au point qu’il faille l’ébouriffer et briser toute cérémonieuse distance pour le ramener de plain pied ? Telle semble en tout cas la conviction qui étançonne la démarche de Yann-Jöel Collin. Epaulé par les vaillants comédiens de la Comédie de Valence, le metteur en scène empoigne Dom Juan avec l’insolente vigueur d’un garnement et chahute joyeusement l’ordre assigné de la représentation. Quitte à tirer le spectateur du confort tranquille de son fauteuil. Dom Juan et Sganarelle surgissent ainsi des rangs serrés sitôt les feux éteints et sautent allègrement la rampe pour s’inviter sur le plateau. Et voilà partie la cavalcade. Toujours en quête d’aventures et de nouvelles amours, l’increvable séducteur, fin bretteur autant que provocateur impie et fieffé menteur, galope d’une scène à l’autre, agitant ses bouclettes blondes et ses rubans dorés sous l’œil sombre de son pleutre serviteur… et le regard de l’assistance transformée en complice. Bref, la comédie va bon train, multipliant les incursions dans la salle, les faux-semblants, les gags potaches et autres diversions. Jusqu’à s’évader du théâtre pour poursuivre la dispute au dehors, tumultueuse virée évidement filmée au caméscope et projetée en direct sur un écran de fortune. De quoi intriguer les goguenards promeneurs du soir dionysien…
 
Un théâtre généreux
 
Yann-Joël Collin bricole ainsi, à son habituelle façon, la géniale « pièce à machines » conçue par Molière en 1665 sur un thème hérité de la Commedia dell’arte. Il n’hésite pas à jouer des clichés grandiloquents, des trucs, du ridicule, de la participation (vraie ou fausse), de la contrefaçon des tréteaux. La séquence patoisante de Pierrot et Charlotte, ordinaire fléau du deuxième acte, semble menée par une bande d’amateurs en goguette. A ce traitement, certes généreux et plein d’allant, la pièce perd cependant de son chatoiement mystérieux et s’abîme quelque peu dans la farce. Non que les acteurs déméritent. Vincent Garanger, tout en subtilité, donne à Sganarelle une bonhommie inquiète d’homme simple, face à Olivier Werner, Dom Juan charmeur et cynique. La troupe excelle dans les effets de réel et ne ménage pas son entrain. Manque pourtant un dessein d’ensemble pour charpenter le tout et ménager des zones d’ombre, des doubles-fonds, dans l’habile menuiserie de cette pièce qui assemble des formes bien diverses. Autrement dit, la finesse qui fait la richesse d’un chef-d’œuvre.
 
Gwénola David

Dom Juan, de Molière, mise en scène de Yann-Joël Collin, jusqu’au 11 octobre 2008, à 20h, sauf samedi 19h et dimanche 16h, relâche lundi, au TGP, 59 boulevard Jules Guesde, 93 207 Saint-Denis. Rens. : 01 48 13 70 00 et www.theatregerardphilipe.com. Durée 3h15 avec entracte.

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