Théâtre - Critique

Lazare reprend Cœur instamment dénudé au Grand T

Lazare reprend Cœur instamment dénudé au Grand T - Critique sortie Théâtre Nantes Le Grand T


Le Grand T à Nantes

On le sait, Lazare n’est pas homme à faire dans le conventionnel, ni dans le consensus, pas plus que dans la limpide clarté. On le sait aussi, c’est un auteur qui écrit vite, abondamment, à l’oral, dans des formes diversifiées qui se télescopent au plateau. Il déteste (avec raison) l’entre-soi du milieu théâtral et aime faire éclater les cadres. Sa dernière création n’échappe pas à cette tradition personnelle. Foisonnante, baroque et barrée, mêlant lyrisme et trivialité, elle ne brille pas non plus par sa clarté – quelle abondance de personnages – même si l’on s’y retrouve au bout d’un certain temps. Le fil rouge, c’est le mythe de Psyché. Rapide rappel : cette dernière, par sa beauté, rend Vénus jalouse. Celle-ci envoie donc son fils, Eros/Cupidon, rendre Psyché amoureuse du plus abominable des hommes en leur décochant une de ses flèches, Mais, en chemin, celui-ci voyant Psyché tombe amoureux d’elle, l’emporte dans son palais et s’accouple avec elle en lui interdisant de le regarder. Bien sûr, elle désobéit, le découvre tandis qu’il dort et le brûle involontairement avec l’huile de sa lampe. Blessé, il s’envole et la quitte puis l’histoire se prolonge vers les Enfers. Initialement, le spectacle de Lazare était annoncé durer trois heures. Est-ce le covid perturbant les répétitions ou la volonté de concentrer le propos du bavard ? Il a été réduit à 1h30 et promet en sa fin un second épisode, qui poursuivra l’adaptation du mythe.

Avec Lazare, le théâtre respire davantage

Ils sont huit sur scène, comédiens et musiciens, qui transforment ce mythe en cabaret. Un orchestre amateur censé intervenir lors de cette représentation était absent pour cause de maladie.  Ils jouent, chantent, dansent, « entre Heiner Müller et Jacques Demy », évoque Lazare. Entre déconstruction noire et comédie musicale plus sucrée. Qui ne connaît pas son mythe sur le bout des doigts peine à s’y retrouver, puis le couteau et la lampe introduisent davantage de linéarité. On peine à suivre ce que tout cela raconte, mais la forme, parce qu’elle détonne, soutient l’intérêt. Les scènes s’enchaînent rapidement, les passages musicaux encore plus, dans un chaos de genres ; cabaret, slam, baroque… Tout est hâché, en ruptures, si bien que l’on a du mal à s’installer, et qu’on ne peut pas non plus s’ennuyer. Vénus est une mère sexy. Cupidon un gros bébé. Et Psyché, doublement représentée, une jeune femme qui ne s’en laisse pas compter. On croise Molière, du burlesque souligné, du Disney type Aristochats, du film noir et du gros marteau de dessin animé. Un vrai patchwork, qui dans la mise en scène comme dans l’écriture préfère le spontané au calculé, le débridé au tenu. Tout n’est pas génial, loin s’en faut, mais l’ensemble a un charme bien particulier.  Sans aucun doute, avec Lazare, le théâtre respire davantage même s’il nous laisse à peine le temps de reprendre notre souffle.

Eric Demey

A propos de l'événement


Cœur instamment dénudé
du mercredi 9 mars 2022 au vendredi 11 mars 2022
Le Grand T
84 rue du Général Buat, 44000 Nantes

Les 9 et 10 mars à 20h, le 11 à 20h30. Tel : 01 41 60 72 72. Durée : 1h40. Spectacle vu au Théâtre National de Strasbourg.


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