Théâtre - Critique

Chant d’adieu

Chant d’adieu - Critique sortie Théâtre


Marie, jeune Française mariée et vivant au Japon, est morte brutalement et ses parents et son frère arrivent de France pour y organiser ses funérailles avec Takéo, son époux. Dans la salle au plafond bas, les trois Occidentaux semblent des Gulliver en goguette à Lilliput. Coussins inconfortables aux corps qui n’en ont pas l’habitude et disproportion incongrue de la chaise apportée à la mère de Marie, suspensions lumineuses piégeant les têtes et sol en natte imposant l’exhibition de la chaussette : tout indique l’incommensurabilité entre les usages du corps et les rapports au monde, à l’autre et à l’existence. Hirata sait éviter les pièges de la caricature ethnocentrique. Les parents de Marie sont prêts à tout accepter des coutumes funéraires japonaises et Takéo, le veuf cicérone, explique patiemment les particularismes de sa culture : tous font des efforts surhumains pour s’adapter à l’autre.

Archipel de la douleur

Mais ces efforts restent vains et Laurent Gutmann propose une scénographie et une direction d’acteurs extrêmement intelligentes pour montrer cet échec. D’abord à travers le personnage d’Anne, l’amie française de Marie elle aussi installée au Japon, déguisée dans un costume traditionnel contrastant de façon presque ridicule avec le noir occidentalisé des vêtements de Takéo et de sa sœur, qui demeure, en son rapport d’extériorité ethnographique au Japon, foncièrement étrangère à ce pays. Ensuite à travers l’inadéquation entre les gestes, les attitudes, le ton et le phrasé des Occidentaux et des Orientaux. Si le sens du texte se limitait à cette strate, il n’excèderait pas la dimension indéniablement comique qui est la sienne. Mais sa force tient plus encore au sujet qu’il aborde. En effet, s’il est impossible aux différents parents de Marie de se mettre les uns à la place des autres, ce n’est pas tant parce qu’il est difficile de passer de la chaise au coussin, mais surtout parce que, dans la douleur de la perte et du deuil, tout individu se retrouve seul, aliéné dans sa souffrance, incapable de l’exprimer vraiment comme de la partager, et doit se contenter de la communauté impossible d’une veillée mortuaire où l’empathie ne console de rien. Le texte acquiert alors une dimension métaphysique que la justesse et la précision du jeu des brillants comédiens réunis par Gutmann indiquent avec subtilité.

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