Théâtre - Critique

Bullet Park

Bullet Park - Critique sortie Théâtre


Une pelouse d’un vert vif, dense, ensoleillé. Un bout de ciel bleu au sein duquel moutonnent quelques gentils nuages. Un poste de télévision à même le sol, des réfrigérateurs, une table de cuisine, des chaises, un lit… : l’intérieur d’une maison au confort ordinaire, foyer de banlieue interchangeable dans laquelle vit une famille comme les autres de la classe moyenne américaine. Cette famille, ce sont les Nailles. Une mère, un père, un fils, qui se fondent dans la normalité aseptisée d’une cité pavillonnaire : Bullet Park. Et pourtant, malgré toutes les perspectives de bonheur que promet l’Amérique consumériste des années 1960, cette famille va connaître le revers de cette belle médaille. C’est ce revers que le roman de John Cheever (publié en 1969) se propose de mettre au jour. Adapté par le collectif Les Possédés (la mise en scène est de Rodolphe Dana), Les Lumières de Bullet Park donnent lieu à une représentation de théâtre à la fois concrète, drôle et elliptique. Une représentation au centre de laquelle David Clavel, Françoise Gazio, Katja Hunsinger, Antoine Kahan, Nadir Legrand, Christophe Paou et Marie-Hélène Roig donnent corps avec beaucoup d’habileté aux reliefs et aux zones d’ombre des fragments de vie qui s’ouvrent à nous.
 
Quand le rêve américain se transforme en cauchemar
 
Il y a quelque chose de cinématographique dans cette façon de présenter ces fragments d’existences ordinaires. De cinématographique ou de télévisuel, si l’on se réfère à certaines séries américaines (de qualité) qui portent un regard cru sur les lézardes venant fissurer le rêve américain. S’appuyant sur une forme d’ironie mâtinée de tendresse, Bullet Park ne force jamais le trait. « John Cheever parvient à tenir à distance la gravité du sujet pour laisser naître des situations humoristiques quasi-surréalistes », explique Rodolphe Dana. Une distance que le metteur en scène investit, lui aussi, au sein de sa représentation. Car tout n’est pas montré sur le plateau. Et s’il n’y a pas de doute quant à l’avènement de la violence (l’un des personnages promet, dès le début de la représentation, la crucifixion du rêve américain), cette version théâtrale des Lumières de Bullet Park prend le parti du pointillé. A travers cette retenue, les membres du collectif Les Possédés confèrent à l’écriture de John Cheever une intensité pleine de finesse et d’exigence.
 
Manuel Piolat Soleymat

Bullet Park, d’après Les Lumières de Bullet Park de John Cheever (roman publié par les éditions Le Serpent à Plumes) ; mise en scène de Rodolphe Dana ; adaptation de Rodolphe Dana et Katja Hunsinger. Du 21 novembre au 22 décembre 2011, à 21h. Relâche le dimanche. Théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette, 75011 Paris. Tél : 01 43 57 42 14 ou au 01 53 45 17 17. Spectacle présenté dans le cadre du Festival d’automne à Paris, vu le 17 novembre 2011 à La Scène Watteau. Durée de la représentation : 2h10.

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