Bartleby d’après Herman Melville, mise en scène de Katja Hunsinger et Rodolphe Dana

« I would prefer not to. » Catégorique, inexpliquée, la réponse tranquille du copiste Bartleby à son employeur, un avoué de Wall Street, grippe définitivement l’ordre du monde qui les entoure. Le personnage fascine le metteur en scène Rodolphe Dana, comme le fascine aussi le capitaine Achab du roman Moby Dick, écrit en 1850 trois ans avant la nouvelle, capitaine lancé dans une folie vengeresse autour des mers du Sud. Si le refus de Bartleby est souvent assimilé à une résistance passive à l’emballement effréné de nos sociétés, il vaut aussi – et sans doute surtout – par sa radicalité énigmatique, qui le rapproche d’une dimension métaphysique comme en feront preuve les maîtres Kafka et Beckett.

Une œuvre fascinante

Dans cet univers absurde, que Gilles Deleuze qualifiait de « violemment comique », la raison s’efface, perd ses pouvoirs, obligeant à réévaluer le sens de l’existence.  « Comme tous les êtres hors norme, Bartleby nous permet de penser, de voir et de vivre le monde autrement », souligne le metteur en scène, qui vise dans cette adaptation théâtrale à laisser libre cours à l’imagination du spectateur afin qu’il puisse « se raconter son histoire derrière l’histoire ». Le rôle de Bartleby est confié à Adrien Guiraud, pour sa finesse et sa « douceur inquiétante », tandis que Rodolphe Dana interprète l’employeur, qui s’efforce de ramener le scribe à la vie et à ses exigences.

Agnès Santi