Comment en êtes-vous venue à mettre en scène les mots de Pierre Dac ?
Anne-Marie Lazarini : Le spectacle est né de mon amour pour cette littérature ni très officielle ni très consensuelle, mais qui me plait beaucoup parce qu’elle déborde des cadres. Pierre Dac est un débordeur de cadres. Je suis très sensible à son esprit de liberté, que je trouve particulièrement réconfortant. C’est un homme talentueux aux mille vies, qui échappe à toute catégorie. Il fut journaliste, musicien, scénariste, homme de radio, créateur de jeux, d’émissions, de sketchs en duo avec Francis Blanche… Maître et précurseur des grands auteurs de l’absurde, il s’extrait avec humour du rationnel et du normal, il se décale du réel dans une dimension autre, qui transforme notre vision du monde. Dans l’anthologie qu’a constituée Jacques Pessis, son héritier, figure toute l’histoire de L’Os à Moelle, hebdomadaire d’apparence sérieuse de quatre pages, créé avec succès et publié du 13 mai 1938 au 7 juin 1940, soit une semaine avant l’entrée des Allemands dans Paris. La publication s’arrête alors que Pierre Dac est de plus en plus menacé, parce qu’il est juif, et parce qu’il attaque incessamment Hitler toujours sous la forme d’un humour absurde, qui résiste à l’ignominie. Il fuit, se fait arrêter, avant de rejoindre Londres où il devient l’une des voix des Français de Londres. Le personnage me touche autant que son écriture.
« Pierre Dac est un débordeur de cadres. »
De quelle manière restituez-vous sur le plateau cet esprit loufoque ?
A.-M. L. : J’ai lu tous les numéros de L’Os à Moelle, ses éditos, ses extraordinaires petites annonces, sa rubrique culinaire, ses conseils pratiques, ses maximes et pensées… J’ai effectué un choix de textes en intégrant un rappel historique de ce que vivait la population de l’époque, entre 1938 et 1940, en particulier concernant l’antisémitisme. Le journal est en effet fortement ancré dans son époque, et son humour délirant fait autant écho à l’absurdité tragi-comique de la condition humaine qu’à la terrible réalité de l’époque. Trois comédiens font circuler la parole : Cédric Colas et Michel Ouimet, des complices de longue date, et Emmanuelle Galabru, qui a travaillé au sein de l’Artistic Théâtre avec Frédérique Lazarini. Ce spectacle est un projet d’amitié. Il s’est construit dans une ambiance de partage amical, sans enjeu autre que celui de perpétuer le souvenir de Pierre Dac auprès du public. Un enjeu réjouissant, et tellement revigorant !
Propos recueillis par Agnès Santi
les samedis et dimanches à 15h. Tél : 01 43 56 38 32.
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