Théâtre - Critique

Alain Batis crée Des larmes d’eau douce, un beau et touchant périple

Alain Batis crée Des larmes d’eau douce, un beau et touchant périple - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Epée de Bois


Théâtre de l’Épée de Bois / texte de Jaime Chabaud / traduction Françoise Thanas

Un cercle cerné de lin, couvert de feuilles mortes et branchages, comme déserté par la vie. Ou pas… Bientôt, de très légers craquements suscitent la curiosité, créent l’attente, jusqu’à ce qu’émerge doucement de cette matière végétale une grand-mère (interprétée par Sylvia Amato), qui va nous conter l’histoire triste d’une petite fille différente des autres. Dans un village souffrant de la sécheresse, où les animaux meurent de soif, la petite Sofia pleure des larmes d’eau douce, à profusion. Un trésor si phénoménal que tout principe d’humanité s’évapore pour laisser place à l’exploitation de la précieuse ressource. Résurgence d’une tristesse infinie, d’une colère impuissante et d’une mémoire enfouie qui se libère, le récit limpide captive de bout en bout. Jaime Chabaud, auteur mexicain multi-primé, enseignant et fondateur d’une revue de théâtre, n’a encore jamais été monté en France, ni même en Europe. Alain Batis confie avoir été profondément touché par « l’essence poétique » de ce texte, qu’il a découvert en tapuscrit. Cette essence poétique, il la restitue merveilleusement par sa mise en scène soignée et habile. La magie des mots se conjugue ici aux effets de l’art de la scène tissés ensemble avec une délicatesse subtile et une science minutieuse.

Le théâtre donne vie à l’imaginaire

Si la fable aborde des thématiques actuelles, telles que l’écologie, la cupidité sans limite des hommes ou la maltraitance des enfants, elle le fait par le biais d’un conte éloquent, montrant la cruauté, suscitant la réflexion, laissant place à l’onirisme et la beauté. La scénographie façonnée par Sandrine Lamblin crée un espace forain, bricolé, sorte de carrousel qui prend vie et ouvre l’imaginaire. Des fils blancs s’élèvent, quelques éléments disent surtout la perte, et un jeu de toiles blanches impeccablement réglé met en valeur les ombres. La pièce alterne efficacement présent et flasback, narration et scènes dialoguées entre les personnages. Par un système de balancier, des marionnettes suspendues descendent au cœur de l’histoire. Les deux enfants Sofia et Felipe gracieux et graciles, le père de Sofia, José, qui ne résistera pas à l’appel de l’argent, le Maire ventru et le Curé anguleux soucieux d’optimiser et engranger les bénéfices d’un don si exceptionnel… Le comédien marionnettiste Thierry Desvignes mène parfaitement ce ballet à plusieurs voix. La formidable et délicate composition musicale de Guillaume Julien, qui interprète la bande sonore à cour, rehausse l’action. Après notamment Pelléas et Mélisande, Rêve de Printemps, Allers-Retours ou plus récemment L’École des maris, la compagnie La Mandarine Blanche poursuit son parcours. Un très joli spectacle, véritablement tout public.

Agnès Santi

A propos de l'événement


Des larmes d’eau douce
du jeudi 8 décembre 2022 au dimanche 18 décembre 2022
Théâtre de l’Epée de Bois
Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris

les jeudis, vendredis et samedis à 21h, les samedis et dimanches à 16h30. Tel : 01 48 08 39 74. À  partir de 7 ans. www.epeedebois.com/


 


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