Comment est née l’idée d’À table, chez nous, on ne parlait pas ?
Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre : Comme beaucoup de jeunes français arrachés à leur quotidien pour aller travailler en Allemagne, mon père n’a jamais parlé de ce qu’il a vécu. C’est ce déni, ce silence que nous avons voulu questionner. Après une année d’enquêtes, des dizaines d’interviews de réquisitionnés et de réfractaires au S.T.O, mais aussi de leurs enfants et petits-enfants, la problématique du sacrifié a émergé. Nous nous sommes rendus compte que cette mémoire allait disparaître et qu’aujourd’hui ce sujet était encore tabou.
Votre projet était-il de créer un spectacle historique sur le S.T.O. ?
H.T.C.-T. : Non, plutôt de suivre l’itinéraire d’un sacrifié. La pièce met en scène une famille face à des choix. La guerre est à l’extérieur, mais elle contamine peu à peu l’intérieur de chaque personnage, plaçant dos à dos amour et raison, liens familiaux et sens du devoir, conviction intime et regard des autres. Ces dilemmes posent la question de l’obéissance : obéissance au système patriarcal, qui est à ce moment précis de l’histoire un système politique symbolisé par le Maréchal Pétain, mais aussi obéissance à son milieu social et à la loi. Qu’est-ce qu’obéir à un ordre qui semble juste en 1943, mais qui est synonyme de honte et de trahison en 1945 ?
Cela, à travers une forme appartenant au théâtre-récit…
H.T.C.-T. : Oui, comme dans les tragédies antiques de Sénèque où des fantômes vengeurs viennent occuper les lieux des crimes dont ils ont été victimes, le fils revient à la table familiale pour nous narrer son histoire. La table est le lieu où la famille se réunit, mange, communique dans ses silences ou ses trop-pleins de paroles. A table, chez nous, on ne parlait pas procède d’un va-et-vient entre narration et incarnation, entre celui qui raconte et ceux qui l’écoutent, entre rêve et réalité. C’est ce va-et-vient qui crée en partie le rythme de ce spectacle, fait de mouvements entre grande et petite histoire, intime et universel, conscient et inconscient.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
à 11h30. Relâche les 13 et 20 juillet. Tél. : 04 32 76 24 51.
L’autrice et metteure en scène Elsa Imbert [...]
Après La Magie lente, remarquable pièce [...]
Figure de la scène slam française, Damien [...]