3 Works for 12 d’ Alban Richard

Hoketus de Louis Andriessen. Sur un plateau totalement dénudé un rang de douze danseurs et danseuses vêtus de noir et de blanc nous fait face. Ils exécutent des séries de mouvements simples : flexions des genoux, des bras, des torses au rythme des hoquets musicaux. Peu à peu les jambes s’animent, la ligne se brise puis se recompose. Peu à peu les corps se tournent, la palette de gestes s’enrichit, la composition se complexifie, fascinante. Peu à peu la ligne devient cercle, le groupe essaim, la marche course, douze solistes exécutant tour à tour la même partition apparaissent. Jusqu’à l’arrêt, brutal. Fullness of Wind de Brian Eno. Quatre danseuses exécutent des mouvements fluides, variés, libres. Si chacune récite sa partition, l’ensemble dégage une évidente harmonie, renforcée par les regards échangés. Bientôt elles sont rejointes par quatre autres interprètes, puis quatre autres encore. Au canon de Pachelbel déstructuré par Eno répond une danse organique, le canon libre et infini de la chorégraphie.

Après l’harmonie le chaos

Pulsers de David Tudor. La musique surgit, tonitruante. Le corps d’un danseur se désarticule. Une masse d’autres solistes le rejoint, maintenant parée de vêtements bariolés. Les troncs, les membres, les têtes, semblent se dissocier, dans une veine étrange et urbaine. Les bouches s’ouvrent, les visages grimacent. Les mouvements vont du sol à l’envol, hoquètent comme un disque rayé, s’accélèrent, ralentissent, dans une impression de chaos. Selon que l’on regarde tel ou tel, c’est le violon électrique de Takehisa Kosugi ou l’infernale rythmique que l’on entend. En mettant en mouvement ces trois partitions post minimalistes des années 1975-1976 dans 3 Works for 12, Alban Richard nous offre un passionnant précis d’écriture et de composition chorégraphique. À chacune des musiques correspond sa qualité de gestes, ses rythmes, sa gestion des ensembles. Douze danseurs et danseuses aux personnalités contrastées, mais qui de toute évidence prennent un grand plaisir à évoluer ensemble, servent cette entreprise avec brio. À voir absolument.

Delphine Baffour