Théâtre - Critique

Vaterland, le pays du père

Vaterland, le pays du père - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Aquarium


Théâtre de l’Aquarium / de Jean-Paul Wenzel, avec la collaboration de Bernard Bloch / version scénique et mes Cécile Backès

Mieux que le récit de sa propre filiation, au-delà de l’anecdote de ce jeune chanteur de rock qui cherche outre-Rhin le père qu’il n’a pas connu, Jean-Paul Wenzel fait le portrait des relations complexes entre la France et l’Allemagne, et celui d’une génération prise entre l’héroïsme résistant et la collaboration honteuse de ses parents. Sans caricature ni moralisme, il raconte une histoire à laquelle l’Occupation sert de cadre originel. Il évoque la tragédie de la Seconde Guerre mondiale par le biais d’une idylle poignante, et restitue les affres de la reconstruction de l’Allemagne réchappée du nazisme à travers la figure d’un personnage complexe à la psychologie retorse. Wilhelm, soldat du Reich en poste à Saint-Etienne, aime la France et le français : tout le dispose à tomber amoureux d’une Française. Odette est jeune, fraîche et jolie, et elle succombe vite au charme de celui que tous prennent pour un Alsacien en exil lors de ses promenades en civil dans les rues de la ville. Wilhelm usurpe l’identité de Louis Duteil, un soir où la beuverie tourne mal, et cache son cadavre dans les ruines d’une maison bombardée. Mais Henri, le frère résistant revenu des camps, recherche son frère et découvre la supercherie. Wilhelm fuit l’opprobre et l’accusation d’assassinat et se réfugie dans l’Allemagne dévastée de l’après-guerre. Commence alors la traque de l’Allemand par le Français, de ville en ville et d’indice en indice. Trente-cinq ans après, Jean, le fils né de cette union scandaleuse, reprend l’enquête.

Puzzle recomposé autour de l’absence

Cécile Backès choisit une mise en scène à la fois complexe et limpide pour raconter cette histoire où les temps et les lieux se chevauchent : l’aventure amoureuse, la traque obstinée et la quête du père évanoui dans les soubresauts de l’Histoire. Les quatre comédiens (Nathan Gabily, Cécile Gérard, Martin Kipfer et Maxime Le Gall) investissent le dispositif frontal aux espaces de jeu séparés par des rideaux qui s’ouvrent et se referment entre cour et jardin, et sur lesquels sont projetés des images plus suggestives que réalistes. Les comédiens, debout au micro, racontent cette épopée minuscule aux allures de tragédie terrifiante. Enregistrements, musique en direct, chansons, phrases en allemand et anecdotes en voix off ponctuent le récit, et constituent les pièces d’un puzzle qui se recompose petit à petit. Manque, à la fin, la dernière pièce, celle de la figure retrouvée et de l’aveu de Wilhelm : au spectateur de l’imaginer, à partir de ce qu’il a reçu et compris. A lui, peut-être de décider comment terminer l’histoire de ce conflit, suspendu entre le pardon, la réconciliation et la détestation héritée et tenace. Servi par quatre excellents acteurs, cette mise en scène aux qualités esthétiques et chorégraphiques remarquables constitue une belle adaptation théâtrale d’un texte fort et poignant.

Catherine Robert

A propos de l'événement


du jeudi 27 février 2014 au dimanche 16 mars 2014
Théâtre de l’Aquarium
Route du Champ de Manoeuvres, 75012 Paris, France

Du 27 février au 16 mars 2014. Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 74 99 61. Durée : 1h45.


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