Théâtre - Critique

Valérie Dréville interprète Un sentiment de vie de Claudine Galea dans la mise en scène d’Émilie Charriot : un périple contrasté et un personnage qui échappe

Valérie Dréville interprète Un sentiment de vie de Claudine Galea dans la mise en scène d’Émilie Charriot : un périple contrasté et un personnage qui échappe - Critique sortie Théâtre Strasbourg Théâtre National de Strasbourg


Théâtre National de Strasbourg

Émilie Charriot dit elle-même qu’elle met en jeu plus qu’elle ne met en scène. Depuis le succès de son adaptation pour le théâtre de King Kong Théorie de Virginie Despentes, elle s’est attaquée à des textes d’Annie Ernaux ou de Peter Handke, qui ont également été portés sous forme de seul en scène. C’est donc avec Valérie Dréville seule en scène qu’elle monte cette fois un texte de Claudine Galea. Une Valérie Dréville en pantalon noir et pull en V bleu, ses longs cheveux acajou entourant l’ovale de son visage, doux et déterminé à la fois, retombant en cascade sur sa poitrine à la manière d’une écharpe. À l’avant-scène, au centre d’un grand plateau nu, elle se tient face au public qui restera éclairé tout du long. Elle se tient là, quasi immobile et incarne le personnage de Claudine Galea, devient Claudine Galea elle-même pourrait-on dire, tant Un sentiment de vie paraît relever de l’autofiction. Écrit en trois parties distinctes, le texte tisse d’abord des liens avec le travail entrepris par Falk Richter dans My secret garden  sur ses relations avec son père. Raconte ensuite une scène où l’autrice-narratrice conduit son propre père malade à l’hôpital et déploie une partie de leur histoire commune autour des chansons de Franck Sinatra. Et finit par être davantage centré sur la question de l’écriture.

Trois textes et deux jambes

Trois textes distincts donc, qui forment un tout qui marche sur deux jambes. Une pour la création littéraire. L’autre pour les relations avec le père. Le tout traversé autant d’histoires personnelles que de réflexions sur la vie et le monde que nous habitons, où affleurent considérations historiques et politiques. La première partie nous tient parce qu’on se demande où tout cela va nous mener. Quelques pensées bien balancées comme celle sur le rôle de la fiction dans une vie où « tout est si atrocement triste et solitaire » excitent notre réflexion. La seconde, plus linéaire, nous touche, se fait plus intime, explore les relations entre une fille et son père en fin de vie, que beaucoup de choses ont séparés, et qui s’aiment, sans parvenir à se le dire, malgré leurs radicales oppositions idéologiques. La dernière nous perd enfin dans une énonciation complexe, entre injonctions à l’écriture et figures d’artistes suicidaires égrainées dans un lyrisme tourbillonnant qui ne nous emporte pas dans sa folle ronde. Valérie Dréville a beau être une actrice à l’incontestable talent, elle incarne un personnage qui nous échappe sans cesse. Dont les colères, les « fucking » et autres « pas…pas…pas » sonnent comme des emportements artificiels. Et dont le propos malgré quelques belles fulgurances nous demeure trop abscons.

Eric Demey

A propos de l'événement


Un sentiment de vie
du mardi 17 janvier 2023 au vendredi 27 janvier 2023
Théâtre National de Strasbourg
1 Avenue de la Marseillaise, 67000 Strasbourg

tous les jours à 20h, le 21 à 18h, relâche le 22. Tel : 03 88 24 88 00. Durée : 1h10. Du 1er au 11 février au Théâtre Vidy-Lausanne.


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