Danse - Critique

Vacuum / NEONS (Never Ever, Oh ! Noisy Shadows)

Vacuum / NEONS (Never Ever, Oh ! Noisy Shadows) - Critique sortie Danse Paris Théâtre national de Chaillot


Suisse / Festival La Bâtie, Genève / en tournée / chorégraphie de Philippe Saire

Au départ de Vacuum, selon l’étymologie latine, il y a le vide. Seuls deux néons sont présents dans le silence opaque d’une scénographie déserte, dans le noir. On commence à percevoir des bribes de chair. S’agit-il, à l’instar de La carcasse de bœuf peinte par  Rembrandt, de membres d’animaux ? La lumière se précise, jouant avec deux corps, l’un au-dessus de l’autre, que l’on devine maintenant humains. Passés au scanner des faisceaux blancs, on n’a pas pour autant affaire à un tableau clinique mais, plutôt (menée rondement à partir d’une fresque picturale évoquant les déambulations d’un Gaspard de la nuit d’Aloysius Bertrand autour des peintures en clair-obscur du Caravage), à une cartographie magique de l’organisme. Se déploie toute une vie dans les plis de la chair, prise entre grâce et apesanteur. Entre la violence pointue d’Henri Michaux et l’appel du néant de Simone Weil, la poétique de Philippe Saire se situe dans la fascinante gémellité des danseurs : deux plastiques minces et nerveuses, objets de projection de l’imaginaire.

Logique fantasmatique

Sans mécanique ni trucages, la technique visuelle fonctionne à partir de prises sur lesquelles les danseurs prennent appui afin que l’on ne voie qu’une partie de leur corps, à travers une mise en lumière sélective. Une contrainte simple et efficace. Challenge physique dans Vacuum, qui se fait plus théâtral avec NEONS. Dans ce second volet des « Dispositifs », les sensations kinesthésiques abstraites font place à un enjeu émotionnel – celui de la rupture d’un couple. Phénomène érotique en agonie, l’histoire de deux hommes (qui pourraient être celle de n’importe qui), sur des éclats sonores de Poveri Fiori chanté par la Callas, émeut par sa chute : la fin de l’amour comme une mort. Celle-ci est amenée progressivement, par les enlacements de plus en plus las des protagonistes, qui portent des néons sur lesquels sont écrites des phrases. Si faire l’amour, c’est d’abord parler, ici la fin de l’union se donne à voir avec l’aphorisme « c’est compliqué les mots, les bons. Je suis très mauvais pour dire les choses. » Or, depuis la position d’un Christ en Croix, jusqu’à la kénose finale où l’amour est évidé du propos, rendant chacun vide, en passant par une scène de Pietà, ou une lutte entre un Abel et un Caïn qui tous deux culpabilisent, on peut se dire que le chorégraphe a créé une Christologie. Car il s’agit bien de cela, avec la fin d’une histoire : la mise au tombeau aux confins de l’Enfer. Et si Trakl avait su décrire le Soir d’hiver comme « la douleur (qui) pétrifia le seuil », Philippe Saire fait parler les corps de la souffrance qui les fait se mouvoir.

 

Bérengère Alfort

A propos de l'événement


Vacuum
du samedi 10 octobre 2015 au jeudi 17 mars 2016
Théâtre national de Chaillot
Palais de Chaillot, 1 Place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75016 Paris, France

Tournée 2015-2016 : Théâtre Les Halles, Sierre, 10 octobre 2015 ; Théâtre National de Chaillot, Paris, du 9 au17 mars 2016. Spectacle vu à Genève, dans le cadre du Festival La Bâtie.  www.philippesaire.ch


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