Classique / Opéra - Critique

Une Flûte enchantée

Une Flûte enchantée - Critique sortie Classique / Opéra


Quelques bambous mobiles devenant en un clin d’œil forêt, cage, temple ou palais, un simple piano à cour, des costumes suggérant sans imposer, des lumières (signées Philippe Vialatte) magnifiant, entre pourpre et ambre, la scène nue et magique des Bouffes du Nord : Peter Brook dirige sa relecture de La Flûte enchantée avec un bonheur et une aisance qui tutoient la perfection, une admirable maîtrise de chaque effet scénique et cette économie toujours si intelligente de l’espace. Laissant à l’imagination du spectateur la liberté de marier ses visions avec celles que propose le jeu des interprètes, le metteur en scène débarrasse l’opéra de Mozart de toute son imagerie maçonnique et mystique et en fait une belle histoire d’amour et de vertu où le bienveillant Sarastro protège les amours naissantes avec leurs promises respectives du pur et courageux Tamino et celles du romanesque et bavard Papageno.
 
Remarquable équilibre du chant, du jeu et de la mise en scène
 
L’interprétation est particulièrement soignée et offre au public, par le plain-pied entre scène et salle, quelques plaisanteries d’une connivence amusée, et la transformation de tout le théâtre en espace de jeu, l’impression d’une relation directe et d’une véritable communion artistique et émotionnelle. Le chant n’est ni sacrifié sur l’autel de l’épure ni amoindri par la réduction de l’orchestre au piano. Adrian Strooper est un Tamino au timbre léger et clair et son interprétation vocale sert à merveille l’avenant et charmant jeune homme qu’il incarne. Luc Bertin-Hugault est un mâle et caressant Sarastro, dont la basse posée et souple est soutenue par des gestes d’une belle ampleur protectrice. Raphaël Brémard et Thomas Dolié savent offrir à Monostatos et Papageno les couleurs complémentaires de leurs deux voix, le premier dans l’inquiétante menace du méchant, l’autre dans la folâtre légèreté de l’oiseleur en quête d’un nid douillet. Si Lei Xu est touchante et juste en Pamina et Dima Bawad délicieuse en Papagena, Malia Bendi-Merad n’offre pas à la Reine de la Nuit tout le brio des immenses mozartiennes qui ont fait de ce rôle un morceau de bravoure indépassable, mais elle imprime en revanche à la perverse manipulatrice du royaume des ténèbres une fougue combative et une inquiétante agressivité qui contrastent efficacement avec la rondeur solaire de Sarastro. Franck Krawczyk accompagne au piano ce triomphe de l’amour sur la peur, que guident les comédiens William Nadylam et Abdou Ouologuem avec malice et drôlerie. L’ensemble compose un spectacle jubilatoire, merveilleux de simplicité et d’intelligence, preuve éclatante qu’il est encore des scènes où souffle l’esprit !
 
Catherine Robert

Une Flûte enchantée, d’après la partition de Mozart et le livret de Schikaneder, librement adaptés par Peter Brook, Franck Krawczyk et Marie-Hélène Estienne ; mise en scène de Peter Brook ; quatre distributions en alternance. Du 9 novembre au 31 décembre 2010. Du mardi au samedi à 21h ; le samedi en matinée à 15h30. Théâtre des Bouffes du Nord, 37bis, boulevard de la Chapelle, 75010 Paris. Réservations au 01 46 07 34 50. Durée : 1h40.

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