Avignon - Entretien François Duval

Un homme prisonnier de sa force et de sa douceur

Un homme prisonnier de sa force et de sa douceur - Critique sortie Avignon / 2012


« Tout se déroule au sein d’un no man’s land. Un endroit dépouillé, une dalle de ciment rongée par la rouille. Une dalle en pente, qui suinte, qui donne l’impression d’être en lévitation. Le lieutenant Andreani arrive dans cet endroit, il s’assoit sur sa cantine et commence à parler au capitaine Degorce, que l’on ne voit pas, qui, d’ailleurs, n’est peut-être même pas là… Contrairement au roman de Jérôme Ferrarri, qui place côte à côte deux narrations – celle, incarnée, du lieutenant ; celle, romanesque, du capitaine – mon adaptation scénique ne donne la parole qu’au lieutenant. Ce dernier revient sur la guerre d’Algérie, sur les relations spécifiques que son camarade et lui ont entretenues avec la torture. Car, alors que le capitaine, un fervent chrétien, était très mal à l’aise avec ces pratiques, le lieutenant, qui, lui, ne croit pas en l’homme, a assumé son rôle de bourreau sans aucun scrupule. Il est rare qu’une œuvre donne ainsi à entendre le point de vue d’un tel homme.
 
Une écriture qui brûle et fait avancer
                                                                                                         
Le roman de Jérôme Ferrari est un texte extrêmement fort, un texte de ténèbres qui déploie à la fois l’expression d’une haine farouche et celle d’un amour absolu. Cela, en sortant du schéma délimitant une séparation étanche entre le bien et le mal. Où j’ai laissé mon âme aborde en effet la guerre d’Algérie en dehors de tout manichéisme, en posant des questions auxquelles l’auteur n’apporte pas de réponse. On est choqué, bouleversé, mais toutes ces interrogations sont exposées à travers une grande profondeur, une grande complexité. Je trouve l’écriture de Jérôme Ferrari vraiment captivante. C’est une écriture de feu, qui brûle et fait avancer. J’ai été calciné par ce roman. On n’est pas loin de Conrad ou de Dostoïevski. Il y a quelque chose de radical, de fulgurant dans le personnage du lieutenant. Un personnage qui, paradoxalement, est prisonnier tant de sa force que de sa douceur, tant de son amour que de sa haine. Un sentiment de loyauté bafouée le ronge, le rend fou. Face à cela, la seule chose qu’il a trouvée à faire, c’est de tuer quelqu’un pour se venger. »
 
Manuel Piolat Soleymat

Avignon Off. Le Petit Louvre, 23, rue Saint-Agricol. Du 7 au 28 juillet, à 11h. Tél. : 04 32 76 02 79. www.petitlouvre.com
 
Où j’ai laissé mon âme / Le Petit Louvre / d’après Jérôme Ferrari / mes François Duval

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