Danse - Entretien

Thierry Malandain

Thierry Malandain - Critique sortie Danse


Souvent dans votre travail, l’histoire de la danse est une valeur très présente, comme un refuge. Cela donne des ballets très référencés, ou des relectures. Ce sera un peu le cas pour cette nouvelle pièce. Pourquoi ?
Thierry Malandain : Il y a à la fois mon goût pour l’histoire de la danse, et le fait que les choses m’échappent aussi parfois ! En l’occurrence il s’agit d’une commande : c’était le souhait du chef d’orchestre de Saint-Etienne et de Jean-Louis Pichon au départ de travailler sur un titre musical à offrir au public pendant les fêtes de fin d’année.
 
C’est un cadre souvent rigide car ces ballets subsistent dans l’Histoire et dans l’imaginaire. Comment faire pour exister à travers ce cadre, qui pourrait devenir un carcan ?
T. M. : Nous sommes devant trois partitions très connues, et, à par des citations – je pense au pas de quatre des cygnes, où il est difficile de faire autre chose, et à l’adage à la rose (dans La Belle au Bois Dormant, NDLR) – je procède par petites touches par rapport à ce qui illustre habituellement cette musique. Je suis quelqu’un de nostalgique, c’est une vérité, quelqu’un de passionné par l’histoire, parce qu’elle me permet de comprendre des choses. Ensuite, c’est lié au mode de fonctionnement de la compagnie. C’est une affaire de goût et de coût : j’aime la musique plutôt symphonique, en tout cas avec des instruments acoustiques. Ces trois ballets, que je vais relire à ma façon, ont été chorégraphiés initialement par Marius Petipa et Lev Ivanov. Petipa travaillait toujours ses projets bien avant que la musique ne soit créée. Ivanov, c’était le contraire, il était avant tout inspiré par la musique. Moi, je suis de cette famille-là. Si j’avais un projet simplement littéraire et que je devais dire au compositeur voilà, on va travailler sur ce matériau, je serais complètement démuni car c’est la musique qui m’inspire. C’est pour cela que je relis des partitions de ballets, et c’est devenu une sorte de spécialité.
 
Comment convoquez-vous la narration, en référence à ces pièces aux livrets très présents ?
T. M. : La première Suite a été composée par Tchaïkovski avant même la création du ballet complet lors d’un gala avec seulement les numéros consacrés aux divertissements. Par contre, La Belle et Le Lac, sont constituées d’ une sorte de « best of » des morceaux considérés comme les plus caractéristiques avec à la fois des scènes de divertissements, mais aussi des scènes centrées sur le personnage et la narration. Toujours est-il qu’on ne peut absolument pas raconter comme cela l’histoire des ballets. Je respecte l’ordre des Suites, sans logique narrative. Je m’appuie aussi beaucoup sur la présence d’un des danseurs de ma compagnie, Guiseppe Chiavaro, le plus grand et le plus ancien.
 
C’est un des piliers de la compagnie…
T. M. : Oui, nous travaillons ensemble depuis longtemps et j’avais envie de développer quelque chose autour de lui, sinon pour lui. C’est une histoire à deux personnages – qui est aussi un peu la mienne – entre lui et la part de l’enfance. L’enfance, c’est le plus petit, et l’un des plus jeunes, Arnaud Mahouyi, qui l’illustre. Au cours de cette sorte de voyage à travers les épisodes musicaux des trois ballets, à travers des souvenirs, des émotions, des choses absurdes et drôles se déploient, comme la marche de Casse-Noisette où j’ai repris le défilé de l’Opéra de Paris, ou des fantaisies, comme cette danseuse sans bras…
 
Le titre est très évocateur. Dans ce mot « magie », il y a tout ce rapport à l’illusion que l’on retrouve d’ailleurs habituellement dans votre travail, avec tous les ressorts de la scénographie, de la lumière, des costumes…
T. M. : Quand j’étais gamin, et que je mangeais quelque chose de très bon, par exemple, je disais que c’était “délicieux-magifique“. Comme j’avais envie de faire un lien avec l’enfance, j’ai trouvé que cela correspondait bien à cet univers ! Sur scène un tapis noir et brillant, plein de miroirs, dessinera l’espace de différentes façons tout au long du spectacle. Entre les trois ballets, des personnages en noir avec des bottes vont modifier la scénographie, et incarner la part sombre des contes. Avec leur costume en skaï brillant, ils sont un peu trop beaux pour être vrais. Tout cela ne donne pas naissance à un ballet « sérieux », mais ne gomme pas non plus les pages les plus émouvantes.
 
Propos recueillis par Nathalie Yokel

Magifique de Thierry Malandain : Espagne / Teatro Victoria Eugenia à San Sebastian les 12 et 13 décembre à 20h. Tél. 0034 943 48 11 60. France / Très Tôt Théâtre (Théâtre de Cornouaille) : le 16 décembre à 19h30, le 18 à 20h, le 19 à 15h et 20h. Tél. 02 98 64 20 35.A Biarritz, Gare du Midi, les 22 et 23 décembre à 20h30. Tél. 05 59 24 67 19. A Saint-Etienne, Opéra Théâtre de Saint-Etienne, les 30 et 31 décembre à 20h. Tél. 04 77 47 83 47. A Reims, Grand Théâtre, le 20 mars à 20h30 et le 21 à 14h30. Tél. 03 26 50 31 00.

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