Théâtre - Critique

Sylvain Maurice reprend Un jour, je reviendrai d’après L’Apprentissage et Le Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce

Sylvain Maurice reprend Un jour, je reviendrai d’après L’Apprentissage et Le Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre 14


Reprise / Théâtre 14

Sylvain Maurice confie apprécier la forme du monologue car elle permet à son interprète « de mettre en pratique toutes les nuances et toutes les audaces de son art, comme un funambule. » Vincent Dissez est un funambule de haut vol, qui impressionne par la maîtrise et la profondeur de son jeu. Il est rare d’assister à une leçon de théâtre de cette envergure, où l’interprétation se livre en un dialogue de chaque seconde avec le texte, en une sorte de corps-à-corps qui au creux de l’intime ouvre le sens, étonne et enchante. Vincent Dissez mobilise en une subtile et singulière conjugaison parole, corps et regard. Parole justement : celle du « je » du titre qui désigne un revenant parmi les vivants, l’auteur Jean-Luc Lagarce, emporté par le sida en 1995. Il a tenu son Journal sa vie durant, et ces deux brefs récits ont été réécrits à partir des tout derniers Cahiers, alors que la maladie le fragilise. Très travaillés, ils déploient comme dans ses grandes pièces une observation du monde précise et curieuse, que la langue s’efforce de saisir au plus juste. Encore et encore, en s’adressant sans jamais tricher à un lecteur qui existera au-delà de sa disparition, dans une forme de distance souvent joyeuse qui permet de faire reculer le désespoir et la peur de la finitude.

Incarnation d’une écriture

Le premier récit, L’Apprentissage, raconte le retour à la vie après un coma, à l’hôpital, dans un état d’extrême solitude et vulnérabilité, jusqu’à la renaissance. Le second, Le Voyage à La Haye, évoque la vie de troupe lors d’une représentation au Théâtre Royal de La Haye, avec ses affects, ses joies et ses agacements. S’il a pris l’avion alors que le reste de l’équipe a pris le train, c’est que la maladie l’a affaibli. Pourtant, même hanté par la disparition – un thème qui traverse son œuvre –, son rapport au monde ne se déprend pas de traits d’humour caustique, d’une ironie que le comédien laisse émerger de manière impeccablement précise. La mise en scène de Sylvain Maurice, subtilement soutenue par les lumières de Rodolphe Martin et la bande son de Cyrille Lebourgeois, sert au plus juste cette langue si affûtée. Ce que nous offre Vincent Dissez, c’est l’incarnation non pas d’un personnage, mais d’un personnage qui écrit, de « celui qui raconte », d’une écriture en mouvement. Une écriture merveilleusement obstinée dont on se réjouit infiniment qu’elle ne soit pas restée au fond d’un tiroir. Un sommet de l’art théâtral.

Agnès Santi

A propos de l'événement


Un jour, je reviendrai
du mercredi 19 janvier 2022 au samedi 29 janvier 2022
Théâtre 14
20 avenue Marc Sangnier, 75014 Paris

du mardi au vendredi à 20h sauf jeudi à 19h, samedi à 16h. Tél : 01 45 45 49 77. Spectacle vu au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines en octobre 2020. Durée : 1h30.


Également du 2 au 4 février 2022 à la Comédie de Béthune.


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