Théâtre - Entretien

Suzanne Lebeau

Suzanne Lebeau - Critique sortie Théâtre


Pourquoi vous intéresser à la vie de Pierre Avezard ?
C’est un marginal, qui a toujours gardé sur le monde un regard curieux et dubitatif. Il se demandait pourquoi. Je trouve qu’aujourd’hui, on s’habitue tellement… Ce petit homme humble a passé sa vie à construire un manège. Tout semble d’une telle facilité dans notre siècle, tout est à portée de main. Nous achetons, consommons, jetons, alors que lui récupérait, regardait… Il était à l’encontre de nos comportements actuels. Par son obstination à vivre, à faire, il demeure un exemple d’une extraordinaire vitalité. Son histoire m’a bouleversée, elle me parlait de tous les enfants que je rencontre, qui ne se sentent jamais conformes aux attentes des parents.
 
Comment avez-vous travaillé à partir de son histoire pour écrire la vôtre ?
Je n’avais en fait que très peu d’éléments. Durant presqu’une année, j’ai essayé de reproduire sa vie, mais chaque fois que je faisais parler Petit Pierre, c’était faux… il n’a jamais parlé de son vivant. Donc Petit Pierre est muet, il se tait, il nous parle par les images qui nous a laissées.
 
Vous croisez le destin de Petit Pierre, dans son village du cœur de la France, et l’Histoire, où résonne la fureur des guerres. Qu’est-ce qui vous a amené à cette construction dramatique ?
Pour faire sentir le décalage, cette torsion entre nos existences et la grande histoire qui se négocie dans les chancelleries ou les entreprises. Je vois tant d’outrecuidance, d’impertinence, même de grossièreté chez les puissants qui régentent le monde…
 
S’adresser au jeune public appelle-t-il une écriture particulière ?
J’ai eu le coup de foudre pour ce public en jouant quand j’étais comédienne. Les jeunes sont encore disponibles. Ils ne sont pas pris dans des schémas, des modes, dans la suprématie du formel… J’ai un besoin vital au théâtre d’être dans le sens, dans l’émotion. Beaucoup d’enfants ont ce besoin aussi et y ont droit. J’écris pour leur donner le goût et l’espoir de changer, l’envie de connaître, de découvrir, d’aller plus loin, d’aller chercher toujours, toujours. S’il ne nous reste même plus ça pour être humain, alors il ne nous reste plus grand-chose ! Jusqu’à mon dernier souffle, je dois être capable de me battre contre tout ce qui me dérange. Et il y a beaucoup de choses qui me dérangent !
 
Comment prenez-vous en compte le lecteur / spectateur dans l’écriture ?
Très rarement, mais je fais beaucoup de recherche. J’ai lu beaucoup sur la psychologie de l’enfant. A cinq ans, il s’intéresse à son environnement immédiat ; à six ans, il va au bout de la rue ; à sept ans, il commence à découvrir son quartier, sa ville. À partir de neuf ans, il est capable d’abstraction, de suivre des questionnements qui dépassent de beaucoup un contexte particulier. Ces comportements ont des conséquences sur la narration, sur l’époque. C’est en écrivant que je me rends compte de l’âge à partir duquel l’histoire sera accessible.
 
Quel lien entretenez-vous avec les metteurs en scène de vos textes ?
Très peu. Au fil de l’écriture, j’ai appris, parfois durement, à écrire très peu de didascalies et à faire confiance au metteur en scène. Une mise en scène réussie est celle qui s’approprie complètement le texte, qui ne suit pas les indications de l’auteur et fait une relecture et qui assume complètement ses choix artistiques.
 
 
Entretien réalisé pat Gwénola David

Petit Pierre, de Suzanne Lebeau, mise en scène de Maud Hufnagel et Lucie Nicolas, du 18 janvier au 5 février 2011. Théâtre de l’Est Parisien, 159 avenue Gambetta 75980 Paris Cedex 20. Rens. 01 43 64 80 80 et www.theatre-estparisien.net. Texte publié aux Éditions Théâtrales jeunesse.

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