Sur la voie royale d’Elfride Jelinek, mise en scène de Ludovic Lagarde

« La question que posait Elfride Jelinek à l’occasion de l’élection de Trump, c’était : « comment se fait-il qu’un peuple mette sur le trône celui qui va les sacrifier ? ». Et même si Trump a perdu, le trumpisme n’est pas mort. Il reste des Bolsonaro, Orban et tout ce qui nous menace ici. La question demeure donc pleinement actuelle après la victoire de Joe Biden. Pour y répondre, Jelinek explore dans tous les sens. Au passage, elle ne fait pas l’économie de son autocritique – en tant qu’occidentale, femme, intellectuelle – en même temps qu’elle se penche sur le système capitaliste qui nous conduit sans cesse à sacrifier notre avenir au nom d’un imaginaire progrès.

Sortir de la performance et de la vitesse 

Je travaille sur les œuvres de Jelinek depuis longtemps. Petit à petit, ses pièces sont devenues des textes dans lesquels il faut aller débusquer le théâtre. Falk Richter a donné de ce texte une version chorale et débridée la saison dernière. J’essaye quant à moi de faire entendre ce texte plus tranquillement. De sortir de la performance et de la vitesse. Christelle Tual, qui portera ce monologue, est une actrice qui, à mon sens, comprend intimement Jelinek. Avec Pauline Labib, la dramaturge, nous avons opéré quelques coupes qui conservent la structure générale du texte mais en évitent le sentiment d’abondance. Wolfgang Mitterer, avec qui j’ai mis en scène deux opéras, a composé une musique qui mélange électro et instruments plus traditionnels. Sur scène, Christelle sera maquillée et costumée en direct pour traverser la série de figures qu’elle aura à incarner. Nous créerons ainsi une forme particulière qui cherchera moins à mettre en scène le phénomène Jelinek qu’à tenter de véritablement la faire entendre. »

Propos recueillis par Eric Demey