Théâtre - Critique

Sous le masque tu es mortel pauvre orphelin !

Sous le masque tu es mortel pauvre orphelin ! - Critique sortie Théâtre


C’est la figure du polichinelle, une image de pantin désuet, que met au goût du jour Jean- Gabriel Nordmann avec Sous le masque tu es mortel, pauvre orphelin ! Le sieur Polichinelle est un personnage de la commedia dell’arte napolitaine et du théâtre de marionnettes dont le nom originel signifie jeune poulet, puis homme timide, maladroit. Ce maraud de Naples, tout en souplesse, diffère du polichinelle français à la face rubiconde et au nez de Bourbon. Le concepteur des marionnettes et des masques Francis Debeyre a choisi cette esthétique-ci, esprit trash, violence et caricature, en mettant à bas la moindre once de douceur ou d’humanité dans les traits de notre ami bavard. Les propos sont loin d’être « politiquement corrects ». Non seulement Polichinelle masqué (Laurent Dupont) se tient en chair et en os face au public, costume coloré, bosse au dos, allure balourde et voix nasillarde, mais il est encore représenté à travers une marionnette miniaturisée, un fantoche de pacotille, un double de lui-même à l’époque scolaire ou chez sa nourrice mauvaise mère. Une autre marionnette le figure aussi en nouveau-né, sorte de Giacometti.
 
Les figures convoquées naissent de la conscience de Polichinelle.
 
Polichinelle n’a pas eu de chance dans la vie, des parents sans le sou dont le père alcoolique ne pense qu’à culbuter sa femme. Abandonné par ses géniteurs, le fils est mis en pension chez une femme sans cœur. L’école n’épanouit pas davantage l’élève et à l’âge des passions naissantes, l’amoureux se fait éconduire par sa fiancée. Qu’attendre alors ? Ni la maladie, ni la mort, des effigies gothiques, ne vaincront celui qui résiste. Et si la Mort est un squelette d’effroi figuré sur le plateau, Sous le masque tu es mortel, pauvre orphelin ! est une adresse à tous. Les figures convoquées naissent de la conscience de Polichinelle qui a choisi l’ironie et la dérision pour s’analyser. La morale face aux déboires de l’existence est la foi dans le matin qui se lève: « Pauvre enfance, mieux vaut être abandonné que pas là du tout ! » L’humour est féroce et acide quand on se contente de peu. Aux côtés de l’anti-héros, le directeur de théâtre (Renaud Robert) est un M.Loyal ordonnateur des festivités. Dans cette fable pour comédiens et marionnettes, un théâtre d’objets et de castelet, l’imaginaire rougeoyant dans le noir s’amuse avec brio du jeu des perspectives et des destins.
 
Véronique Hotte

 
Tout public à partir de 8 ans.

Sous le masque tu es mortel pauvre orphelin !, de Jean-Gabriel Nordmann ; mise en scène de Renaud Robert. Du 24 mars au 11 juin 2010. Mercredi et vendredi à 19h. Le Guichet Montparnasse 15 rue du Maine 75014 Paris. Réservations :01 43 27 88 61 Durée du spectacle  :1h15.

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