Avignon - Entretien Michel Kéléménis

Siwa, La Persistance rétinienne d’un Eden fantasmé

Siwa, La Persistance rétinienne d’un Eden fantasmé - Critique sortie Avignon / 2014 Avignon Théâtre des Hivernales


Théâtre des Hivernales Chorégraphie Michel Kéléménis

Comment, dans votre démarche de chorégraphe et fondateur de Klap, maison pour la danse à Marseille, en êtes-vous venu à Siwa ?

Michel Kéléménis : Cela remonte exactement à 1992, après avoir vu le lever du soleil sur l’oasis de Siwa : au cœur de cet oasis égyptien, se trouve le temple d’Amon. Vers l’est, s’étend un grand lac très salé et inerte. L’histoire dit qu’Alexandre Le Grand se rend au temple pour consulter l’oracle. Que se passe-t-il à ce moment-là ? Le soleil se lève, pour éclairer le monde, il apparaît à l’horizon et soudain se dédouble, dans le miroir que forme la surface du lac. C’est un second soleil qui vient vers le roi pour le confirmer dans sa stature universelle et supérieure. Et cette image, d’une puissance inouïe, s’est greffée à ce moment-là à l’émotion particulière de mon deuil de la disparition de Dominique Bagouet, pour établir une espèce de dialogue qui ne m’avait jamais effleuré, peut-être sur les notions du vivant et de la variabilité, de la permanence ou de l’éternité. Cette émotion avait donné lieu à une première pièce, un solo qui était mon dialogue avec Dominique. A l’époque, la technologie ne me permettait pas de ramener cette image de Siwa pour en faire la scénographie du spectacle. Cette image et cette émotion ne m’ont jamais quitté à travers ces vingt ans, et j’ai donc souhaité, au moment où la capitale européenne de la culture se dessinait, étant moi-même pris dans la mise en route de Klap, interroger ce dont j’avais réellement envie. J’ai voulu revoir le soleil de Siwa, chorégraphier le Quatuor à Cordes de Claude Debussy et tenter, avec quatre danseurs, de mettre en scène l’idée d’une petite communauté isolée qui doit inventer son harmonie malgré les dissonances.

« Mon sujet est le rapport à la permanence. »

Pourquoi une danse de garçons ?

M. K. : Cela aurait pu être une danse de femmes, mais c’est ce que j’avais déjà fait, peu de temps auparavant. La question serait plutôt : pourquoi uniquement des hommes ou uniquement des femmes ? Je voulais parler de l’idée d’une communauté et non pas de ce qui aurait pu être des relations sexuées entre des gens. Je voulais éviter ça, et entrer dans une certaine abstraction dans l’écriture, dans une certaine liberté. Mon sujet est le rapport à la permanence, dans une certaine conscience de la finitude, du fait que la vie s’arrête. J’ai donc multiplié dans la pièce des éléments de stabilité. Ces quatre danseurs vont être en permanence en scène, il a donc fallu inventer toutes les transformations de l’espace et toutes les respirations. Dans ce mouvement quasi continu, j’ai essayé de faire une chose qui apparaît comme très vivante. Cinq individus inextricablement mêlés vont, tour à tour, se trouver confrontés à l’ensemble. Il n’y a pas de solos développés, car je voulais aborder la question de cette communauté, qui doit inventer sa cohérence entre harmonie et dissonance.

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

A propos de l'événement


Siwa
du jeudi 10 juillet 2014 au dimanche 20 juillet 2014
Théâtre des Hivernales
18 Rue Guillaume Puy, 84000 Avignon, France

Avignon Off. Théâtre des Hivernales, 18 rue Guillaume Puy. Du 10 au 20 juillet  à 10h, relâche le 15. Tél. : 04 90 82 33 12.


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