Théâtre - Entretien

Silvia Costa met en scène « Mémoire de fille » d’Annie Ernaux autour d’une expérience matricielle

Silvia Costa met en scène « Mémoire de fille » d’Annie Ernaux autour d’une expérience matricielle - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Vieux-Colombier


Théâtre du Vieux-Colombier / texte d’Annie Ernaux / Mise en scène de Silvia Costa

Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter ce texte ?

Silvia Costa : J’en ai donné une première version à Munich bien avant le Nobel. J’aime habituellement m’emparer de textes non théâtraux pour imaginer un objet à partir de zéro. De plus, c’est un texte ancré dans une époque, avec un personnage complètement différent de moi, mais qui délivre ce que j’appellerai une expérience matricielle, notamment sur les rôles sociaux de l’homme et de la femme, qui nous concerne toutes et tous. Enfin, j’aime cette idée exprimée que ce qui se passe dans une vie, même si c’est dur, constitue une réserve créatrice. Que tout ce qui nous arrive, même si c’est ordinaire, nous constitue. Que notre vie, quelle qu’elle soit, est tissée d’évènements.

Pour vous, l’écriture d’Annie Ernaux est-elle théâtrale ?

S.C. : Elle a une langue souvent descriptive et chirurgicale mais son dispositif, lui, est très théâtral. Elle construit un personnage qu’elle tire d’elle-même, ce qui est la base du travail d’acteur. J’ai divisé mon adaptation en trois voix qui coexistent dans le texte, celle qui décrit les lieux, les objets, celle qui élabore le contexte social, et enfin celle qui en fait la synthèse, la voix la plus personnelle. Ces trois voix seront portées  par trois actrices – Clotilde de Bayser, Anne Kessler et Coraly Zahonero – avant que n’apparaisse une voix enregistrée qui marquera une nouvelle rupture dans la narration.

« J’aime cette idée exprimée que ce qui se passe dans une vie, même si c’est dur, constitue une réserve créatrice. »

Les récits d’Annie Ernaux sont très ancrés dans le réel, qu’en conserverez-vous ?

S.C. : Je produis souvent des scénographies minimalistes et géométriques. Ici, nous avons réalisé des recherches sur les lieux qu’évoque l’autrice dans son récit – l’école, la colonie de vacances… On part du bleu d’un de ces murs qu’on a retrouvés, photographiés, qui devient comme un ciel, et porte la patine du temps. L’espace devient au fur et à mesure un lieu mental où des accessoires – une table, un lit, des plats – évoquent des espaces par métonymie. Il ne faut pas avoir peur non plus de montrer ce que l’on dit.

Mémoire de fille est-il pour vous un texte féministe ?

S.C. : C’est un texte féminin, parce qu’Annie Ernaux y part du principe qu’il y a quelque chose d’elle en chaque femme. Un texte sur le désir féminin qui n’a pas le temps de se construire et cède au désir de l’homme. Un texte féministe en ce qu’il montre que les femmes se sentent mises en compétition. Et c’est le récit complexe d’une souffrance subtile qui raconte ce que le traumatisme initial produit sur elle pendant des années. Avec Ayumi Paul, qui s’occupe de la partie musicale, nous allons tenter d’en faire surgir un véritable chœur de femmes.

Propos recueillis par Eric Demey

A propos de l'événement


Silvia Costa met en scène Mémoire de fille d’Annie Ernaux
du mercredi 7 juin 2023 au dimanche 16 juillet 2023
Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux-Colombier, 75006 Paris

du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h, le dimanche à 15h. Tel : 01 44 58 15 15.


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