Samy Thiébault

Il est rare qu’un musicien suscite autant d’enthousiasme que vient de le faire Samy Thiébault et l’on parle déjà de son « Rebirth » (chez Gaya Music) comme du disque de jazz français de l’année. Il faut dire que la musique de ce sixième opus s’affirme avec une autorité et une intensité exceptionnelle chez un musicien de sa génération. Animée, au sens propre et noble du terme, par un quartet en forme de garde rapprochée composée de Adrien Chicot (piano & Fender Rhodes), Sylvain Romano (contrebasse) et Philippe Soirat (batterie), avec aussi en invité le trompettiste Avishai Cohen, « l’élément inspirant et perturbateur », la musique de Samy Thiébault (sax ténor, sax soprano et flûte) s’épanouit dans un lyrisme brut et contrôlé, semblant être puisée à la source même du moi intime du saxophoniste, dont on devine et entend, au delà de l’apparence glamour d’un visage et d’une allure qui ne sont pas sans rappeler celles du comédien américain Vincent Gallo, des blessures, une fêlure, une émotion qui bousculent. « Rebirth est fait de mélodies qui me décrivent, musicalement et personnellement » confirme pudiquement le saxophoniste qui retisse titre après titre les fils de son enfance et de son identité, de compositions personnelles qui viennent de « très loin » (dans lesquelles planent le spectre de Coltrane et des souvenirs africains) en reprises inattendues (Tableaux d’une exposition de Moussorgski, Satie, Ravel, etc…). Un jazz de l’urgence de vivre. Et d’écouter.

J.L. Caradec