Théâtre - Critique

Salle d’attente

Salle d’attente - Critique sortie Théâtre


Le théâtre ici n’est pas un récit. C’est un théâtre fait de moments d’expression intenses et profonds, un théâtre “de l’être et du discontinu”, selon les mots de Jean-Pierre Thibaudat, un théâtre de fulgurances radical. Librement adaptée de Catégorie 3.1 de Lars Noren par le maître polonais Krystian Lupa, la pièce se définit comme un coup de projecteur sur la vie de marginaux égarés dans un parking à l’abandon, graffité et délabré, mais elle éclaire aussi, de façon flagrante, l’amplitude et l’intensité de l’immense travail que le metteur en scène a effectué avec l’équipe d’une quinzaine de jeunes acteurs francophones qu’il a choisie, tous issus de grandes écoles de théâtre. Il a voulu travailler avec des jeunes, au moment où ils deviennent adultes, en quête d’un épanouissement. “ Ce groupe de jeunes gens a pris en charge le processus d’identification avec les personnages avec une fascination incroyable et je m’y attendais,” dit-il. C’est ainsi la détresse que l’on voit, mais c’est aussi ce vivant paradoxe de l’acteur – être soi et un autre que soi -, que l’on ressent ici profondément. Grâce aux exigences de Krystian Lupa, on admire le travail de l’acteur, jusqu’à parfois presque en être effrayé : ce travail est une quête, un cheminement organique, étonnant, vers des territoires inconnus. Au-delà du jeu, des conventions, du psychologique ou du cérébral, à l’intérieur de soi.

De l’espoir à l’infini…

C’est parce que ces acteurs sont si jeunes et si totalement engagés que l’on est tellement touché par leur performance, qui va loin, très loin, jusqu’à des scènes très crues, qui peuvent d’ailleurs laisser sceptiques. Les visages et les monologues des acteurs, saisis en gros plan sur écran vidéo, laissent voir le terreau de l’improvisation : le travail de l’acteur est un don de soi ! La pièce met à nu la précarisation et le dénuement extrêmes des personnages, qui expriment leurs pulsions primitives au-delà des normes sociales et du rythme des jours. Leur marginalité et leur détresse ont quelque chose de définitif. Le titre original désigne la case réservée aux cas sociaux dans les formulaires de l’administration suédoise. Au-delà du temps, Salle d’attente désigne en sus la condition humaine, une perpétuelle attente, de tout, de rien, du néant, de la mort, de l’oubli mortifère que procure la drogue, absorbant et détruisant tout désir. Il y a de l’espoir à l’infini… mais pas pour nous, clame un personnage, citant explicitement Kafka (qui connaît le sujet). La scène finale, éloquente, se vit en partage avec les spectateurs, destinataires ultimes. Tous excellents, les acteurs se dépassent et ont sans doute beaucoup appris… 

Agnès Santi


Salle d’Attente, inspiré de Catégorie 3.1 de Lars Noren, texte, scénographie et mise en scène Krystian Lupa, du 7 janvier au 4 février à 20h au Théâre de la Colline, 75020 Paris. Tél : 01 44 62 52 52. MC2 à Grenoble du 7 au 11 février, tél : 04 76 00 79 00, Equinoxe à Châteauroux le 16, tél : 02 54 08 34 34, Théâtre de l’Archipel à Perpignan les 28 et 29, tél : 04 68 62 62 00. Durée : 3h30.

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