Théâtre - Critique

Sale Août

Sale Août - Critique sortie Théâtre


Il y eut neuf morts et plus de cinquante blessés. C’était le 17 août 1893, à Aigues-Mortes. Toutes ces victimes étaient des ouvriers piémontais venus travailler en France au battage et au levage du sel, pour la Compagnie des Salins du Midi. Les esprits commencèrent à s’échauffer le 16 août, lors de rixes opposant travailleurs français et italiens. Très vite, la rumeur se propagea dans la ville que des ouvriers aigues-mortais avaient trouvé la mort lors de ces affrontements. Il n’en fallut pas plus pour que la population locale s’arme et se masse en cortège, déterminée à venger, dans le sang, ses concitoyens. S’ensuivit l’un des plus grands massacres d’immigrés de l’histoire française, mais aussi l’un des ses plus grands scandales judiciaires, puisqu’un acquittement général fut prononcé par le jury populaire de la Cour d’assises d’Angoulême, en décembre de la même année, lors du procès au cours duquel seize habitants d’Aigues-Mortes avaient été mis en accusation.
                                                                                                
Un théâtre mémoriel
 
C’est ce fait historique que la pièce de Serge Valletti retraverse aujourd’hui, en prenant le parti de ne pas nous confronter directement aux événements tragiques de ces journées d’août 1893, mais de nous en faire entendre les échos – lointains, puis proches – depuis la vaste propriété d’une des grandes familles de la ville. Semblant vouloir aller chercher du côté de Tchekhov une inspiration qu’elle ne trouve jamais véritablement, cette pièce de commande (qui navigue entre petites touches humoristiques et accents dramatiques) est loin de rejoindre l’inventivité et la fantaisie dont a pu faire preuve, par le passé, l’auteur marseillais. Sans être un grand moment de théâtre, Sale Août n’en a pas moins le mérite de faire revivre, aujourd’hui, ces événements oubliés de notre histoire nationale. Cette fonction mémorielle est portée par un beau travail de troupe. Au sein d’une mise en scène de facture classique, signée Patrick Pineau, Gilles Arbona, Nicolas Bonnefoy, Hervé Briaux, Célia Catalifo, Laurence Cordier, Jean-Charles Di Zazzo, Pierre-Félix Gravière, Mathilde Jaillette, Laurent Manzoni, Benoît Marchand et Sylvie Orcier composent de remarquables éclats de jeu. Des éclats grâce auxquels se dessinent les tiraillements, les sursauts, les interrogations d’une société bourgeoise bousculée dans ses certitudes et sa tranquillité.
 
Manuel Piolat Soleymat 

Sale Août, de Serge Valletti (texte édité par les Editions de L’Atalante) ; mise en scène de Patrick Pineau. Le 3 février 2011, à 20h30. Théâtre La Piscine, 254, avenue de la Division Leclerc, 92290 Châtenay-Malabry. Réservations au 01 41 87 20 84 ou sur www.theatrefirmingemier-lapiscine.fr. Spectacle vu à la MC93 en janvier 2011. Durée de la représentation : 1h20. Egalement le 5 février 2011 au Théâtre Louis-Aragon de Tremblay en France, du 8 au 10 février à la Scène nationale de Sénart / La Coupole à Combs-la-Ville, le 12 février au Centre Culturel Juliobona à Lillebonne, le 15 février à la Scène nationale d’Evreux.

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