Théâtre - Critique

Roland Auzet reprend Nous, l’Europe, banquet des peuples de Laurent Gaudé au TGP

Roland Auzet reprend Nous, l’Europe, banquet des peuples de Laurent Gaudé au TGP - Critique sortie Théâtre saint denis Théâtre Gérard Philipe


Reprise / Théâtre Gérard Philipe

Contre la lamentation, la menace de désintégration, Laurent Gaudé, écrivain, et Roland Auzet,  compositeur et metteur en scène, convoquent le désir d’un récit commun d’une entité commune, réactivent le sentiment d’appartenance, l’idée d’un « nous » européen. Quelle Europe ? Espace de normes économiques ou expression d’un projet politique commun ? Et quelle forme théâtrale pour ce « banquet des peuples » ? Pas question évidemment d’une célébration béate, les paroles de Laurent Gaudé ne sont guère enclines à la simplification, mais embrassent plutôt à hauteur d’homme les troubles, les obstacles, les conflits, l’héritage pluriel et souvent tragique du passé… Elles traversent le temps de belle façon dans un style vif en choisissant quelques haltes révélatrices : le 12 janvier 1848 à Palerme, moment d’insurrection contre les empires et le vieux monde, mais aussi la Révolution industrielle – et voilà que le monde devient « un fruit juteux fait pour être exploité » -, la colonisation – le Congo, « propriété privée du roi des Belges » Léopold II  –, la boucherie de la Grande Guerre, les Années Folles vite suivies de la Grande Dépression, la Seconde Guerre mondiale, l’extermination industrielle de six millions de juifs, la Guerre froide, le martyr Jan Palach, etc. Et plus près de nous la Jungle de Sangatte, les attentats de 2015 à Paris, des interrogatoires de migrants.

Le choix de l’espoir

Que d’émotion contenue dans ce texte nourri d’Histoire et de vie… Sommes-nous alors condamnés à être des « héritiers de l’angoisse » ? La mise en scène le dément par sa vitalité créatrice, par son adresse frontale et forte aux spectateurs, par sa manière d’orchestrer les paroles qui fusent, rebondissent, et se répondent. Est-ce trop éruptif, trop éclaté, trop véhément ? Non, car l’ensemble emporte et convainc par sa diversité bigarrée, par l’alliage de compositions musicales contrastées, par sa volonté de partage et sa dimension collective qui rassemble sur scène des artistes de diverses nationalités et un nombreux chœur d’amateurs de tous âges. Les comédiens (dont certains ont changé depuis la création du spectacle en 2019 au Festival d’Avignon) sont excellents. Karina Beuthe Orr, Yasin Houicha, Rose Martine, Robert Bouvier, le contre-ténor Rodrigo Ferreira, Stanislas Roquette, Dagmara Mrowiec-Matuszak, la danseuse Artemis Stavridi en alternance avec Nina Dipla et Thibault Vinçon forment un ensemble pêchu de différences parfaitement accordées. La pièce pleinement réussie se fait entendre dans ce paradoxe qui conjugue d’hier à aujourd’hui lucidité et espoir : malgré les tragédies qui ponctuent le poème, demeurent le désir de liberté, la capacité d’inventer. Comme le dit la chanson des Beatles Hey Jude : « Take a sad song and make it better. » Un programme hors de portée, peut-être…

Agnès Santi

A propos de l'événement


Nous, l’Europe, banquet des peuples
du mercredi 12 janvier 2022 au dimanche 16 janvier 2022
Théâtre Gérard Philipe
59 Bd Jules-Guesde, 93207 Saint-Denis Cedex

du mercredi au samedi à 20h, samedi à 18h, dimanche à 15h30. Tél : 01 48 1370 00. Durée : 2h30. Spectacle vu au Festival d’Avignon en juillet 2019.


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