Théâtre - Critique

Richard III-Loyaulté me lie

Richard III-Loyaulté me lie - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Aquarium


Reprise / Théâtre de l’Aquarium / d’après Shakespeare / Un spectacle de Jean Lambert-wild, Elodie Bordas, Lorenzo Malaguerra, Gérald Garutti, Jean-Luc Therminarias et Stéphane Blanquet mes Jean Lambert-wild

« Déterminé à être un scélérat » : tel est Richard. Il est l’auteur résolu de son ascension sur les marches ensanglantées qui conduisent au trône d’Angleterre, et l’outil fatal d’un destin qui le conduit à sa perte, à force de forfanterie grotesque, de cruauté perverse et de haine sadique. Jean Lambert-wild en confie le rôle à son clown (« Myself upon Myself »), méchant drôle aux allures de Joker pathétique et grotesque. Dans le pyjama d’un enfant capricieux, qui décapite ses ennemis au chamboule-tout et pistolète à tout-va, le comédien virevolte avec un plaisir évident et communicatif. On rit au spectacle d’une méchanceté si aboutie et on tremble d’être caution d’une telle infamie ! Le théâtre est rendu à sa vertu cathartique : l’histoire du fléau de sa race est une tragédie vertigineuse et frémissante. Elodie Bordas, magnifique comédienne que Jean Lambert-wild est allé enlever à la scène suisse, campe à ses côtés tous les autres personnages de la pièce. Lady Anne éblouissante dans la scène initiale, où tout se noue de l’inexorable machine à tuer, elle devient toutes les autres femmes auxquelles Richard arrache enfants et époux. Puis, d’un tournemain, elle se transforme en Buckingham, l’âme damnée du crapaud machiavélique et obscène, et manipule les artifices qui font apparaître les fantômes peuplant la nuit de cet esprit malade.

Un carrousel endiablé

 Jean Lambert-wild, Gérald Garutti, Lorenzo Malaguerra et Elodie Bordas guident le spectateur dans le dédale de la pièce et celui de la folie de Richard. On retrouve l’originalité corsetée par une maîtrise hallucinante des arts de la scène des précédents spectacles de Jean Lambert-wild. On retrouve aussi la patte de ses compagnons habituels : Jean-Luc Therminarias (musique et spatialisation), Stéphane Blanquet (scénographie), Renaud Lagier (lumières). On découvre une magnifique armure en porcelaine de Limoges, des marionnettes désopilantes, des ballons, des confettis, de la barbe à papa, des trucs et des astuces, et autant de poésie que d’humour. Le Richard de Jean Lambert-wild est « une conscience mélancolique enragée », comme le dit Gérald Garutti (coauteur de la traduction). Comme un trou noir, il aspire la lumière qui l’entoure ; il s’en nourrit et, dans la désolation finale d’un brouillard embrasé, il atomise ce qu’il a dévoré. Le traitement dramaturgique ne tranche pas : Richard est un monstre mais ceux qui l’entourent ne valent pas mieux. Lady Anne, putain boiteuse, indique de sa béquille sanglante qu’elle est aussi contrefaite que l’âme retorse de son soupirant impitoyable. Richard, en clown, apparaît comme le révélateur de la laideur du monde, sa mesure plutôt que son parangon. Si les autres ne faisaient pas le jeu du méchant, et si le public n’attrapait pas les sucreries que lance le diable dans la salle, celui-là finirait peut-être tenté par le bien ! Il faut un clown pour avertir le monde de se garder de la séduction du pouvoir…

Catherine Robert

A propos de l'événement


Richard III-Loyaulté me lie
du jeudi 3 novembre 2016 au samedi 3 décembre 2016
Théâtre de l’Aquarium
Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris, France

à 20h, relâche dimanche. Tél : 01 43 74 99 61


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