Théâtre - Critique

Rêve d’automne

Rêve d’automne - Critique sortie Théâtre


Installé dans cette gloire que le temps, la reconnaissance officielle et l’omniprésence médiatique sculptent autour de lui, Patrice Chéreau trouve dans le Louvre un mausolée à sa mesure qui force le respect et fossilise l’esprit critique. Après être passé sous les ailes de la Victoire de Samothrace et sous le regard de La Grande Odalisque, le spectateur est enclin à croire au chef-d’œuvre, par simple effet de proximité… Faut-il alors avouer l’ennui qui naît au spectacle du corps à corps excité et lacrymal que devient le Rêve d’automne de Jon Fosse mis en scène par Patrice Chéreau, et l’impression d’étrangeté, voire d’aliénation, qu’il provoque ? Dans un cimetière où renaissent, au hasard d’une rencontre, leurs amours défuntes, un homme et une femme décident de continuer ensemble un chemin qui les ramènera régulièrement entre les tombes, pour des enterrements successifs, jusqu’à la séparation finale qui laissera la femme seule au milieu des fantômes. Témoins de la traîtrise adultérine et des lâchetés filiales, la première femme de l’homme et sa mère incarnent le reproche et le remords lancinants qui taraudent la vie de ce couple qui n’a pas su faire d’enfant et l’esprit de l’homme qui n’a pas su s’occuper de celui né de sa première union.
 
Un texte enseveli sous les corps
 
La mise en scène de Patrice Chéreau fait parler les voix par-dessus les mots et les corps par-dessus les voix, au point que le texte est bientôt dilué dans le flot des humeurs exsudant de ces machines désirantes qui s’agitent sur scène. Sueur, salive, pleurs, jupes retroussées, pantalons arrachés : les amants se cherchent et se déchirent, se déclarent et s’insultent, résistant à la mort en un combat exalté aux allures tauromachiques. Même violence dans les rapports entre l’homme et sa mère, entre cette dernière et sa bru détestée ; même violence dans le surgissement du fantôme du fils, dont Clément Hervieu-Léger vient mimer l’agonie brutale et solitaire : tout concourt à jouer complaisamment de l’obscène, sans distance et au mépris de la partition textuelle, ravalée au rang de prétexte. Valeria Bruni Tedeschi et Pascal Greggory caricaturent la dialectique de l’hystérie et de la perversion, avec, pour la première, une adhésion maladroite, à force d’application, et pour le second, une distance qui vire à la fausse maladresse : les comédiens donnent l’impression de ne pas se rencontrer en interprétant sur des timbres aussi discordants des personnages qui peinent à se trouver. Restent Bulle Ogier et Bernard Verley, la mère et le père, plus justes parce que plus retenus, mais qui ne parviennent pas à sauver un spectacle rendu chichiteux à force d’exaspération et d’exacerbation des passions.
 
Catherine Robert

Rêve d’automne, de Jon Fosse ; mise en scène de Patrice Chéreau. Du 4 décembre 2010 au 25 janvier 2011. Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 15h. Théâtre de la Ville, 2, place du Châtelet, 75004 Paris. Réservations au 01 42 74 22 77. Durée : 1h40. Spectacle vu au Musée du Louvre.

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