Théâtre - Critique

Réparer les Vivants

Réparer les Vivants - Critique sortie Théâtre


Saint-Quentin / Châtenay-Malabry / Sartrouville / d’après Maylis de Kerangal / mes Sylvain Maurice

De Simon, 19 ans, passionné par la mer et le surf, déclaré en état de mort cérébrale suite à un accident de la route, à Claire, dont le cœur abîmé va un jour ou l’autre lâcher, Maylis de Kerangal raconte le douloureux et haletant processus d’une transplantation cardiaque, une course  effrénée et sidérante qui unit en une suite d’étapes et de gestes précis la mort et la vie. C’est une phrase de Tchekhov dans Platonov qui a inspiré son projet : « Enterrer les morts, réparer les vivants ». Documenté, évitant tout aspect moralisateur, son récit captivant dessine un portrait nuancé des personnages et de la situation. Elle confronte aussi deux mondes : celui d’une famille brisée, et celui du monde médical, protocolaire et technique, où chacun est cadré par une mission rigoureuse. Parmi ces missions, l’annonce et l’accompagnement des parents détruits, Sean et Marianne, qui doivent autoriser ou pas le don d’organes. C’est Pierre Révol, médecin du service de réanimation au Havre, et Thomas Rémige, infirmier coordonnateur de prélèvements, qui s’en chargent.

Tragédie intime et technique médicale

Bouleversé comme de très nombreux lecteurs par ce récit plusieurs fois primé, le metteur en scène et directeur du Théâtre de Sartrouville Sylvain Maurice a décidé de le porter à la scène en faisant écho à l’urgence et à la vitalité de l’écriture. Seul en scène, se déplaçant sur un tapis roulant dans un espace circonscrit, Vincent Dissez n’incarne pas les personnages mais fait sienne la puissance du récit et des voix qui l’habitent. Organique et limpide, la langue vive, nette, en mouvement, déploie une course trépidante et profondément vivante, insuffle un corps à l’histoire. Le personnage principal, c’est Simon l’absent, c’est ce cœur qui va battre à nouveau, et l’enjeu, c’est ce sprint pour la vie à la fois totalement fou et totalement organisé. Entre récit et dialogues, c’est une véritable odyssée qui se raconte, une chanson de geste de quelques heures déterminantes et vitales. Parmi les personnages phares du monde médical, le patron Halfand, une légende, appartenant à une dynastie de médecins, et le jeune Virgilio, en quête de hauts faits et de revanche sociale. Tout sonne juste dans ce roman. Sobre et épurée, dans une lumière blanche et blafarde, la mise en scène fait entendre tous ces indispensables protagonistes, et s’inscrit dans l’équilibre entre les dimensions médicale, technique, et intime de l’aventure. En hauteur et en arrière-plan, le musicien Joachim Latarjet fait sonner sa guitare comme un flux de jeunesse et un jaillissement d’énergie libre. Entremêlant tragédie intime et questions médicales, l’œuvre est forte et marquante.

Agnès Santi

A propos de l'événement


Réparer les Vivants
du lundi 19 janvier 2015 au dimanche 19 avril 2015

France

Théâtre Firmin-Gémier – La Piscine, Châtenay-Malabry. Les 19 et 20 janvier à 20h30. Tél : 01 41 87 20 84. Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines-Scène nationale. Les 26 et 27 janvier à 20h30. Tél : 01 30 96 99 00. Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, CDN, Sartrouville. Du 4 au 19 février à 19h30 ou 20h30, samedi à 18h, relâche mercredi et dimanche. Tél : 01 30 86 77 79. Puis en avril au Théâtre Paris-Villette et à la Comédie de Béthune. Spectacle vu au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines.


A lire aussi sur La Terrasse

  • Théâtre - Critique

A tort et à raison

Michel Bouquet retrouve les planches [...]

Du mercredi 23 décembre 2015 au 28 février 2016
  • Jazz / Musiques - Agenda

Mona, pièce musicale d’Emily Loizeau

On la connaît chanteuse, auteure [...]

Du vendredi 8 janvier 2016 au 10 janvier 2016
  • Théâtre - Entretien

La Cerisaie

Il poursuit son exploration de l’œuvre [...]

Du mercredi 20 janvier 2016 au 14 février 2016