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Exposition Giacometti / Beckett, Rater encore. Rater mieux.

Exposition Giacometti / Beckett, Rater encore. Rater mieux. - Critique sortie Théâtre Paris


Exposition Giacometti / Beckett

« Route à la campagne, avec arbre. Soir. » C’est par cette fameuse didascalie que débute En attendant Godot. Il est infiniment émouvant de découvrir l’arbre qu’a conçu le sculpteur à la demande de l’écrivain, à l’occasion de la reprise de la mise en scène de Roger Blin au Théâtre de l’Odéon en 1961 : frêle, fragile, minimaliste, l’arbre exprime toute la précarité de l’existence. Au-delà de cette unique réalisation concrète née de la collaboration entre Giacometti et Beckett, la relation entre les deux hommes s’est traduite par une amitié durable, nourrie d’affinités entre leurs œuvres et leurs imaginaires. C’est tout cela que révèle cette exposition, ainsi que l’audace créatrice du Paris de cette époque, où se pressèrent tant d’artistes et intellectuels du monde entier, où s’épanouirent notamment le surréalisme et l’existentialisme. Accueilli à l’Académie de La Grande Chaumière pour l’un en 1922, et en tant que lecteur d’anglais à l’École normale supérieure en 1928 pour l’autre, ils se rencontrèrent en 1937, et restèrent liés jusqu’à la mort du sculpteur en 1966. Si Giacometti fut ami de nombreux écrivains, comme Beckett fut ami de nombreux peintres, le lien qui les unit n’est pas le plus connu ni le plus démonstratif.

Parenté des imaginaires

Comme le suggère le commissaire de l’exposition Hugo Daniel, « plutôt qu’une amitié, il faut envisager une compagnie, dans le sens beckettien du “besoin de compagnie discontinu“ ».  L’exposition éclaire la qualité de cette relation à travers la parenté des imaginaires et du rapport au réel, qui se prolongent par l’expression artistique. Ainsi correspondent des thèmes et processus récurrents : la place fondamentale de la solitude, le sentiment d’un réel qui s’amenuise et s’épuise au point de presque disparaître, la langue ou la matière qui se décharnent, l’espace clos, contraint, mais aussi le corps entravé, la répétition voire l’obsession dans un processus créatif qui laisse insatisfait. Comme l’indique l’intitulé de l’exposition extrait de Cap au pire (1982), le ratage s’impose. « Être un artiste, c’est échouer comme nul autre n’ose échouer, que l’échec constitue son univers. » souligne Beckett. Sont convoqués des sculptures marquantes de Giacometti, comme La Cage (1950), Trois Hommes qui marchent (1947), l’arbre pour Godot (1960), et des dessins souvent inédits, ainsi que de nombreux textes, pièces de théâtre, mises en scènes et films de Beckett. Les mots n’ont pas la primeur chez ces deux taiseux, immensément talentueux. L’homme de cinéma Marin Karmitz les a rencontrés.  Il réalisa Comédie avec le dramaturge en 1966, et confirme à Hugo Daniel que leur présence peut se passer de mots : « Ces deux bonhommes ensemble, ça dégageait ! »

Agnès Santi

A propos de l'événement


Rater encore. Rater mieux, exposition autour de Giacometti et de Beckett
du samedi 9 janvier 2021 au dimanche 28 mars 2021
Paris
5 rue Victor Schoelcher, 75014 Paris

Tél : 01 44 54 52 44. www.fondation-giacometti.fr


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