Théâtre - Critique

Qui a peur de Virginia Woolf ?

Qui a peur de Virginia Woolf ? - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Oeuvre


Théâtre de l’Œuvre / d’Edward Albee, traduction Daniel Loayza / mes Alain Françon

« Il est plus intéressant de produire le texte que de l’interpréter », déclare Alain Françon au sein du remarquable ouvrage que lui consacre Odile Quirot chez Actes Sud*. Dans “interpréter”, il y a quelque chose de psychologique ; dans “produire”, c’est conscient et inconscient confondus. » Voici, en deux phrases, un condensé de l’empreinte que laisse la version de Qui a peur de Virginia Woolf ? créée par l’ancien directeur du Théâtre national de la Colline au Théâtre de l’Œuvre. Une empreinte forte pour une proposition de haut niveau, qui réinvente ce quatuor théâtral en trois actes au fil desquels un couple d’âge mûr (Martha – Dominique Valadié et George – Wladimir Yordanoff) se livre bataille sous les yeux d’une jeune femme et de son époux (Honey – Julia Faure et Nick – Pierre-François Garel). On se souvient du film de Mike Nichols qui faisait s’opposer Richard Burton et Elisabeth Taylor. Ou encore, au théâtre, de la mise en scène de John Berry qui, en 1996, avait défrayé la chronique lorsque Niels Arestrup et Myriam Boyer s’étaient laissé déborder par les empoignades de leurs personnages. Mais c’est une tout autre vision de la pièce d’Edward Albee que présente, aujourd’hui, Alain Françon.

 Un monde régi par des règles complexes

Une vision qui met de côté tout réalisme psychologique, toute expansion sentimentale, pour laisser émerger – produire, s’il l’on veut reprendre le terme du metteur en scène – « le conscient et l’inconscient » du monde que se sont inventés George et Martha. Un monde brutal, excessif, régi par des règles complexes. Le regard que porte Alain Françon sur ce maelström humain est d’une exigence radicale. Aucun effet superflu, aucune sorte d’épanchement ne vient amoindrir la force des sillons que creusent, de scène en scène, de secousse en ébranlement, les quatre comédiens (parmi lesquels Dominique Valadié, tout en ruptures et en contrastes, déploie un jeu littéralement subjuguant). Le décor conçu par Jacques Gabel, comme les lumières tranchées, picturales, de Joël Hourbeigt, vont dans le sens de cette précision, de cette simplicité. En grand metteur en scène, Alain Françon fait renaître le texte d’Albee à travers ce qu’il a de plus essentiel. De plus secret aussi. Il ouvre sur des perspectives d’une épaisseur insoupçonnée. A l’exact équilibre du dépouillement et de l’organique.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement


Qui a peur de Virginia Woolf ?
du vendredi 8 janvier 2016 au lundi 4 avril 2016
Théâtre de l’Oeuvre
55 Rue de Clichy, 75009 Paris, France

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h. Durée du spectacle : 2h. Tél. : 01 44 53 88 88. www.theatredeloeuvre.fr


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