Théâtre - Critique

Que viennent les barbares de Myriam Marzouki

Que viennent les barbares de Myriam Marzouki - Critique sortie Théâtre Saint-Brieuc La Passerelle Scène Nationale de Saint-Brieuc


de Myriam Marzouki et Sébastien Lepotvin / mes Myriam Marzouki

« J’ai toujours su que je n’étais pas un nègre. Mais si je ne suis pas le nègre et s’il est vrai que votre invention vous révèle, vous, alors qui est le nègre ? ». En arpentant le plateau de long en large, l’air nerveux, Maxime Tshibangu déploie à mi-voix un texte sur le racisme. Il évoque les relations entre Noirs et Blancs dans l’Amérique des années 1950-60, dit l’urgence de l’égalité. On reconnaît les mots de James Baldwin. Cet auteur afro-américain dont la renommée en France, très limitée jusque-là, a connu un bond en 2017 avec la sortie du film I Am Not Your Negro de Raoul Peck. Que viennent les barbares de Myriam Marzouki se place ainsi d’emblée au carrefour du passé et du présent. Dans un espace-temps composite, bricolé à partir de plusieurs histoires éloignées. Dans une réalité qui ne cesse de glisser, de se renverser. Lorsqu’apparaissent Claire Lapeyre Mazérat et Samira Sedira dans les rôles d’une journaliste et de Toni Morrison par exemple, on se déplace vers le passé. Quand Louise Belmas les remplace pour incarner la pensée de Jean Sénac, c’est ensuite à un mouvement géographique que l’on est convié. Tout en douceur. Les belles paroles du poète en faveur d’une Algérie indépendante, socialiste, arabe, berbère et pied-noir prolongent en effet celles des écrivains précédents. De même que le verbe de Mohamed Ali puis de Claude Lévi-Strauss prennent naturellement le relai de celui de Jean Sénac. Car ils nourrissent une même réflexion sur la perception de l’Autre en France. Sur son absurdité, sa violence.

Une autre Histoire de l’œil

Myriam Marzouki et Sébastien Lepotvin, qui co-signe avec elle le texte du spectacle, mettent l’Histoire sens dessus dessous, poursuivent un travail sur la difficulté à concevoir et à vivre une société multiculturelle en France. En creusant la question du regard porté sur l’Autre, elle atteint un mythe : la figure du barbare, que chacune des figures historiques qu’elle convoque a tenté de déconstruire. En ménageant des interstices entre chaque partie de son spectacle fait de scènes assez hétérogènes, et en mêlant à ses personnages réels des protagonistes fictifs, Myriam Marzouki crée des zones de trouble qui sollicitent la pensée. Sans empêcher la rêverie, ni l’espoir. Tous portés avec justesse par six comédiens qui excellent à lier le geste à l’idée, les textes qui se succèdent dans En attendant les barbares sont autant des appels à la révolte qu’à la poésie. Celle de l’Egyptien Constantin Cavafis, dont En attendant les barbares (1906) a beaucoup inspiré Myriam Marzouki, donne à l’ensemble des accents de grâce mélancolique. Elle crée un autre pont entre les époques. Ouvre à d’autres horizons.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement


Que viennent les barbares de Myriam Marzouki
du jeudi 4 avril 2019 au jeudi 4 avril 2019
La Passerelle Scène Nationale de Saint-Brieuc
Place de la Résistance, 22000 Saint-Brieuc

à 20h30. Tel : 02 96 68 18 40. Également du 9 au 11 avril à la MC2 : Grenoble, tél : 04 76 00 79 00. du 23 au 26 avril à la Comédie de Béthune – CDN Hauts-de-France, tél : 03 21 63 29 19, et du 27 au 29 mai au Théâtre Dijon-Bourgogne, CDN, dans le cadre du festival Théâtre en mai.


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