Théâtre - Critique

Quatrevingt-treize / Les Onze mille verges

Quatrevingt-treize / Les Onze mille verges - Critique sortie Théâtre


Dans la note d’intention commune aux deux spectacles qu’il présente à la Maison de la Poésie, Godefroy Ségal ne laisse aucune ambiguïté à ce sujet : adapter à la scène – au sein d’un même théâtre, à quelques jours d’intervalle – Quatrevingt-treize de Victor Hugo et Les Onze mille verges de Guillaume Apollinaire (texte interdit en France jusqu’à sa publication par Régine Deforges, en 1970) n’a rien d’une coïncidence de calendrier, mais tout d’une volonté profonde et réfléchie. La volonté, de la part des membres de la compagnie In Cauda, de lier ces deux textes littéraires, de les faire se répondre dans une forme de diptyque théâtral placé sous le haut patronage de Mirabeau. « Victor Hugo et Guillaume Apollinaire étaient profondément inspirés par Mirabeau, explique le metteur en scène, homme qui a écrit les trois-quarts de la Déclaration des droits de l’homme, mais aussi des romans pornographiques. Mirabeau n’arrêtait pas de répéter que la liberté citoyenne passait par la libération des mœurs. C’est un double combat qu’il a essayé de mener toute sa vie. » Ce double combat, Godefroy Ségal le fait aujourd’hui sien, à travers deux représentations engagées qui s’attachent à faire œuvre de transmission.

Deux appels à la liberté

Transmission de la réflexion sur la Révolution française et la période de la Terreur menée par Victor Hugo. Transmission des souffles subversifs et de la démesure contenus dans le roman érotique de Guillaume Apollinaire. De factures assez différentes (rapport scène salle classique et monofrontal, ambiance obscure, dépouillement de la théâtralité et de l’espace de jeu pour Quatrevingt-treize ; public installé sur le plateau dans un rapport trifrontal, au plus près des interprètes, atmosphère colorée, exubérance des effets pour Les Onze mille verges), les deux mises en scène de Godefroy Ségal se rejoignent dans l’impression de droiture, de grande sincérité qui se dégagent de l’une et de l’autre. Ainsi que dans leur volonté manifeste de donner naissance à un théâtre d’inspiration personnelle, de trouver des solutions singulières aux difficultés que pose le passage au plateau de ces œuvres littéraires. Ces qualités font rapidement oublier les faiblesses de direction d’acteur qui pointent dans Quatrevingt-treize. Car c’est le projet dans sa globalité (globalité de chaque représentation, mais aussi du diptyque auquel elles donnent forme) qui finit par marquer l’esprit. De la verve de Hugo aux tourbillons d’Apollinaire, cette double proposition de la compagnie In Cauda réussit son pari : conjuguer geste théâtral et geste citoyen.

Manuel Piolat Soleymat 


* Les Onze mille verges est interdit aux spectateurs de moins de 18 ans.

Quatrevingt-treize, de Victor Hugo ; adaptation et mise en scène de Godefroy Ségal (texte publié par les éditions Venenum) ; peintures de Jean-Michel Hannecart. Du 2 au 20 mai 2012. Du mercredi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Durée de la représentation : 2h.

Les Onze mille verges, de Guillaume Apollinaire ; adaptation et mise en scène de Godefroy Ségal. Du 23 mai au 3 juin 2012. Du mercredi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Durée de la représentation : 1h30.

Maison de la Poésie, passage Molière, 157, rue Saint-Martin, 75003 Paris. Tél : 01 44 54 53 00. www.maisondelapoesieparis.com.

A propos de l'événement




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