Théâtre - Critique

Pour le meilleur et pour le dire

Pour le meilleur et pour le dire - Critique sortie Théâtre Paris La Manufacture des Abbesses


Manufacture des Abbesses / Texte de David Basant et Mélanie Reumaux / Mes David Basant

La parole est-elle le sujet central de la pièce ?

 David Basant : La pièce prend en effet appui sur ce qui est dit, et aussi – voire surtout – sur ce qui ne l’est pas ! Divers facteurs rendent la parole difficile dans la pièce, qui met en jeu un couple très amoureux mais en crise. Elle, hypersensible, désire un enfant, et lui, très vulnérable, esquive et se réfugie dans le non-dit. La pièce est dédiée à Elsa Cayat, l’une des douze victimes de la tuerie de Charlie Hebdo. Assez atypique dans le milieu de la psychanalyse, passionnée par le langage, adepte de jeux de mots saisissants, elle avait l’habitude de dire que « la psychanalyse entérine la possibilité d’être soi, seul accès possible à l’amour ». C’est elle qui inspire le personnage de la psychanalyste Mona. Dans un cabinet de psychanalyste, lieu unique d’intimité de la parole, il est souvent incroyable de se rendre compte à quel point verbaliser les choses permet de les réévaluer, de les faire exister différemment, de se faire exister soi. Prendre la parole, c’est prendre sa place.

« Prendre la parole, c’est prendre sa place. » David Basant

« La pièce réhabilite la vulnérabilité. » Mélanie Reumaux 

Mélanie Reumaux : Nous avons construit la pièce à partir de cette idée essentielle, qui accorde à la parole toute sa vertu concrète. La prise de parole agit de manière profonde, souvent inattendue. Elle clarifie beaucoup de choses. Dans la pièce, le non-dit n’existe pas seulement entre soi et les autres mais aussi entre soi et soi. Libérer la parole permet de pouvoir s’aimer soi, donc de pouvoir aimer les autres.

Quelle tonalité avez-vous choisi pour l’écriture ?

M.R. : Nous avons écrit une comédie sentimentale où malgré le non-dit – ou plutôt à cause de cet inexprimé – l’émotion est palpable. Nous voulons réhabiliter les émotions dans leur infinie diversité, dans un mouvement profondément vivant qui traverse la tristesse et son opposé. Nous voulons réconcilier le rire et les larmes, la légèreté et la profondeur, en restant juste par rapport à la position de l’analyste, en demeurant accessible à tous, en assumant même une fin heureuse. Le dosage est subtil, c’est un travail de polissage ténu qui exige de la justesse et de la précision dans le rythme, pour laisser émerger la vérité des émotions, et le rire.

 Comment avez-vous procédé pour l’écriture ?

 D.B. : Nous avons travaillé à une écriture de plateau dans le cadre d’une résidence au Théâtre du Blanc-Mesnil, avec une équipe de comédiens choisis pour leur capacité à transmettre l’émotion (ndlr Céline Perra, Roger Contebardo, Caroline Brésard, Tessa Volkine, Edouard Giard). A partir du script que nous leur avons donné, des improvisations ont été initiées pour que le texte incarné soit porté de l’intérieur. Et Alain Lagarde a créé une scénographie sobre, en transparence entre le dedans et le dehors.

M.R.: Dans ce fragile équilibre entre dit et non-dit, la pièce réhabilite la vulnérabilité. Se réconcilier avec sa propre vulnérabilité est un enjeu important…

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement


Pour le meilleur et pour le dire
du lundi 27 août 2018 au mercredi 2 janvier 2019
La Manufacture des Abbesses
7 rue Véron, 75018 Paris.

lundi, mardi, mercredi à 21h, dimanche à 20h, relâche les 23, 24 et 25 décembre. Tél : 01 42 33 42 03.


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