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Pina Bausch ou le théâtre subverti

Pina Bausch ou le théâtre subverti - Critique sortie Danse


Obstinément, depuis plus de trente ans, Pina Bausch explore l’inconscient humain. Ses longues files de danseurs répétant les mêmes petits gestes, qui semblent mener tout droit au gouffre, sont devenues une véritable marque de fabrique – sans rien perdre de leur puissance d’attraction : « la grande Pina » explore nos névroses avec tendresse et inquiétude, renvoyant constamment le spectateur à ses propres failles. Presque aussi obstinément, le Théâtre de la Ville invite régulièrement le public à redécouvrir la chorégraphe. Cette année, on commencera par retrouver Bandonéon. En 1980, Pina Bausch crée cette pièce dans un décor de vieux café, sur une série de tangos latino-américains. Les dix-huit danseurs donnent de ces tangos une version qui glisse vers la folie, les femmes s’accrochant aux hommes sans plus pouvoir desserrer leur étreinte. Entre rêve et dénonciation de nos codes, de nos manipulations, s’invente une esthétique aussi fascinante que provocatrice.

Une reconfiguration du travail théâtral et chorégraphique

On découvrira ensuite la création 2006, pour douze interprètes : ce n’est plus dans le tango que baignent les danseurs, mais dans l’eau. Rivière, rideau de pluie, sueur ou breuvage, le liquide irrigue les corps de Vollmond (« pleine lune »), jusqu’à devenir le fil de cette danse-théâtre qui n’a d’autre logique narrative que celle des errances mentales des interprètes. En effet, la juxtaposition de ces deux pièces, pourtant créées à plus d’un quart de siècle d’écart, démontre surtout que la chorégraphe n’a rien changé à sa recherche : c’est toujours le travail introspectif des danseurs qui fonde sa démarche. En studio, par un jeu de questions lancées à chacun d’entre eux, elle fait surgir leurs souvenirs, interroge leurs peurs d’enfants, leurs fiertés ou leurs doutes. La réaction des interprètes constitue la matière première de chaque pièce : c’est de leurs réponses, observées, questionnées, magnifiées dans un ancrage corporel puissant, que surgissent ces spectacles qui font figure de rituels, où le dérisoire des comportements est toujours travaillé par l’émotion de l’homme ou la femme qui est là, sur le plateau. Personnages et personnes se confondent : c’est la subversion profonde, et toujours réitérée, de Pina Bausch.

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