Pierrette Dupoyet / Acquittez-la ! et Léonard de Vinci ou l’éternité d’un génie

« Acquittez-la ! est adapté d’un fait divers, l’histoire d’Alexandra, qui a poignardé son mari alors qu’il était en train de l’étrangler. C’est un spectacle sur les violences faites aux femmes, mais aussi sur le laxisme des gendarmes, la lenteur des services sociaux, le silence complice des voisins et des témoins qui se taisent alors qu’ils savent. Pour ce sujet citoyen, sensible et malheureusement encore d’actualité, et parce que je n’ai jamais été confrontée de près à ces violences, j’ai contacté Alexandra et l’avocat général qui a été au centre du procès où elle risquait vingt ans de réclusion. J’ai voulu montrer la progression du drame : au début, tout va bien, Alexandra est folle amoureuse de son mari, et la violence arrive petit à petit, par des humiliations et des insultes, masquées par le déni et souvent pires que les coups. J’incarne cette femme, comme toujours quand je choisis un sujet, comme je suis aussi Léonard l’après-midi après avoir été Alexandra le matin, mais avec un postiche et presque cent ans de plus !

Le bonheur retrouvé de la vibration partagée

Tout le monde a une opinion sur Léonard. Il me fallait donc adopter un angle original. J’ai voulu le raconter de sa toute petite enfance à la fin de sa vie. Reclus au Clos Lucé, où il va mourir, il raconte toutes ses péripéties, toutes ses inventions et toutes les rivalités avec ses contemporains. Je parle peu de sa peinture : ce qui m’intéresse, c’est l’inventeur et sa confiance dans le progrès de l’humanité dont il espère qu’elle perfectionnera ses idées après lui. Il est à la fin de sa vie et on découvre un homme fragile, taraudé par la peur d’être plagié et par une obsession très actuelle : comment ce que l’on découvre risque-t-il de se retourner contre soi et contre l’humanité. C’est un homme qui cherche et qui s’inquiète de sa capacité à transmettre. Cette inquiétude est constitutive de notre espèce et elle est particulièrement vive pour cette édition du festival où nous retrouvons le public. Je crois qu’il nous attend et les messages d’amitié que j’ai reçus pendant le confinement me le confirment. Je suis incroyablement heureuse de retrouver cet essentiel et irremplaçable partage de vibration avec le public : notre devoir, cet été, c’est de sortir ensemble du confinement mental ! »

Propos recueillis par Catherine Robert