Théâtre - Critique

Phèdre

Phèdre - Critique sortie Théâtre Nogent-sur-Marne La Scène Watteau


CRITIQUE
La Scène Watteau / De Racine / mise en scène Sterenn Guirriec

Petite-fille maudite du Soleil, foudroyée par une passion interdite contre laquelle elle ne peut lutter, Phèdre est frappée par la haine de Vénus, « tout entière à sa proie attachée ». Fille d’un juge des Enfers, elle abhorre son crime, et ne peut que chercher à mourir. Elle aime son beau-fils, enfant de Thésée et de la reine des Amazones, d’un amour irrépressible et incurable. « Ni tout à fait coupable ni tout à fait innocente », selon les mots de Racine dans sa préface, Phèdre sème le chaos, la mort et la destruction. La mise en scène de Sterenn Guirriec dès le début acte la catastrophe. Abandonné par son roi, Thésée, le palais de Trézène est un lieu de désolation crépusculaire, un lieu de vestiges semblables à des rebuts figés. Sous les dards du soleil, sous les feux d’une « sombre clarté », Phèdre emporte le palais entier dans la tragédie. Les sublimes lumières signées Bruno Rudtmann sculptent l’espace et accompagnent les mouvements du drame. Lorsqu’une forme d’espérance et l’envie de vivre reprennent le dessus, quelques objets du quotidien apparaissent, comme dans cette jolie scène d’Aricie dans sa baignoire.

Le Bouillonnement des passions

Le jeu théâtral captivant fait entendre la parfaite rythmique de l’alexandrin et la vie qui palpite. La distribution est à l’unisson. Hippolyte, remarquablement interprété par Johann Cuny, voue son cœur à Aricie, princesse royale d’un camp ennemi, que Marie Sambourg incarne avec fraîcheur et justesse, sans afféterie. Tous deux forment un couple plein de promesses. Nanou Garcia est parfaite en Oenone, nourrice aimante, servant la fureur de sa maîtresse plutôt que la raison. Joëlle Lüthi interprète parfaitement Théramène, confident et messager. Dans le rôle-titre, Phèdre se distingue, par une diction particulière qui peut troubler. Sterenn Guirriec laisse voir le bouillonnement des passions et le joug honteux de son désir hors de toute normalité ; soumise à la malédiction divine, respirant à la fois l’inceste et l’imposture, elle s’est défait de sa raison. On craint qu’un certain excès dans son jeu (excès à mettre en parallèle avec ses robes de soirée plutôt glamorous) ne desserve la mise en scène, mais l’équilibre de l’ensemble demeure tenu, cohérent et parfaitement organisé. Après avoir présenté avec succès Partage de midi en 2014 à la Scène Watteau, la jeune Sterenn Guierrec fait la preuve, avec cette création, de son indéniable talent et d’une maîtrise impressionnante des effets scéniques.

Agnès Santi

A propos de l'événement


Phèdre
du lundi 25 janvier 2016 au jeudi 4 février 2016
La Scène Watteau
Place du Théatre, 94130 Nogent-sur-Marne, France

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