Théâtre - Entretien

Perturbation

Perturbation - Critique sortie Théâtre Paris la colline


Entretien / Krystian Lupa
La Colline – Théâtre national / d’après Thomas Bernhard / mes Krystian Lupa

Vous êtes fidèle à l’œuvre de Thomas Bernhard depuis des années. Que vous semble-t-il essentiel de révéler de cette écriture à travers votre théâtre ?

Krystian Lupa : La radicalité de son contenu et de sa forme, deux dimensions qui finissent par s’unir en une seule. Chez Bernhard, le flux obsessionnel du monologue intérieur est présent à la fois dans la langue et dans la figure de l’être humain. Il est sous-tendu par « une nouvelle façon de penser », comme l’a très justement expliqué l’écrivaine autrichienne Ingeborg Bachman. Au théâtre, l’écriture de Bernhard engendre une autre forme de narration et un autre art de l’acteur, où le personnage attaque son désir d’une manière périlleuse et extrêmement personnelle. Elle s’appuie sur une persistance obsessionnelle du sujet, ce qui ouvre les portes de l’absurde – l’un des outils bernhardiens de connaissance. Comme si l’absurde participait à l’instinct d’autoconservation du personnage. Bernhard se définissait lui-même comme un poète de l’exagération. Cette exagération vise à provoquer le lecteur ou le spectateur, à l’attaquer, comme si ce dernier cachait en lui « un parasite », un « ver du faux et de l’automensonge » qu’il s’agirait « de chasser ». Bernhard est une sorte de chantre de la folie. Dans son écriture, le fou est utilisé comme l’une des figures du processus de connaissance. En se servant de cette figure pour créer un mécanisme d’identification extrême, Bernhard jette une lumière singulière sur le monde, ce qui a pour conséquence de nous donner à voir une réalité complètement différente de ce que nous avons l’habitude de percevoir. À savoir une réalité profonde et douloureuse. Et enfin, il y a cette énergie irrésistible d’être… C’est une chose que l’on doit s’attacher à ne pas perdre…

 

« Dans Perturbation, Bernhard part à la recherche de l’erreur sociale et culturelle qui corrompt l’individu. »

 

Quels sont les thèmes ou les motifs fondamentaux qui composent Perturbation?

K. L. : Dans Perturbation, Bernhard part à la recherche de l’erreur sociale et culturelle qui corrompt l’individu. L’erreur qui le condamne à l’incompréhension du monde, à la solitude et à la souffrance. Dans ce roman, le voyage d’un fils avec son père médecin – qui rend visite aux malades de sa région – révèle l’échec profond de l’homme voué au désir de perfection et de bonheur. Cette expérience initiatique est aussi un exemple de l’aide que peut représenter l’autre, la société, l’humanité. Le chemin symbolique qui traverse tout ce roman mène à la montagne Hochgobernitz, où habite LE FOU – personnage victime de l’autoperfection humaine.

 

Perturbation est votre deuxième spectacle en langue française. Le fait de travailler dans cette langue a-t-il de l’influence sur votre mise en scène? 

K. L. : C’est plutôt une question de rencontres avec les autres, rencontres qui ont eu lieu au cours de ces deux projets, qu’une question de langue – bien qu’évidemment la langue de l’acteur soit l’un de ses outils éminemment personnels. Mais il m’est assez difficile d’en juger, car ma connaissance de la langue française est très superficielle. Peut-être que cette fois-ci, à l’occasion du travail sur le texte de Bernhard, la relation avec cette langue sera pour moi plus concrète, plus évidente… En ce qui concerne ce que l’on appelle « les rencontres essentielles avec les gens » – je suis fasciné par la précision avec laquelle les acteurs s’engagent dans les exercices, par leur conscience, leur pensée créative) -, je propose aux acteurs français une prise de risque qui les mène sur « un autre chemin ». Tout cela donne des résultats très intéressants… Des résultats autres que ceux que j’aurais obtenus en Pologne.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat (d’après une traduction du polonais de Mariola Odzimkowska)

 

A propos de l'événement


Perturbation
du vendredi 27 septembre 2013 au vendredi 25 octobre 2013
la colline
15 rue Malte-Brun, 75020 Paris.
La Colline – Théâtre national, 15 rue Malte-Brun, 75020 Paris. Du 27 septembre au 25 octobre 2013. Du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h30, le dimanche à 15h30. Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. Tél. : 01 44 62 52 52.

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