Théâtre - Critique

Persona.Marilyn

Persona.Marilyn - Critique sortie Théâtre


Dans Zaratustra — spectacle mis en scène par Krystian Lupa, en 2007, au Théâtre national de l’Odéon — un personnage de vieille femme était amené à remplir une baignoire en transportant de l’eau, à l’aide d’un seau, depuis un point éloigné du plateau. La scène, muette, répétitive, durait de longues minutes. De longues minutes à regarder une comédienne accomplir une tâche apparemment sans intérêt, tâche qui se révélait, dans cette création de Krystian Lupa, d’une densité et d’une profondeur captivantes. Comme si s’était exprimé, là, à l’occasion de cette activité ordinaire, l’un des cœurs palpitants de l’expérience humaine. Mystères d’un théâtre qui plonge dans le concret pour toucher à l’invisible. Car le metteur en scène polonais possède la faculté de plier le temps théâtral à sa mesure, de le mettre à nu, de faire surgir sur scène une autre possibilité de monde. Un monde réel, organique, qui scrute les limites et les frontières de l’art dramatique, qui explore l’émergence de la vie au sein de l’espace scénique.
 
Une mise à nu de l’instant théâtral
 
Dans Persona.Marilyn, de nombreux moments font écho à cette scène de Zaratustra. Des moments qui s’étirent, quand Marilyn s’habille, par exemple, ou quand elle s’allonge devant nous, quand la seule vue de sa nudité généreuse, de sa beauté péremptoire bien qu’imparfaite, transmet la sensation tactile de sa corporalité. En nous faisant entrer dans l’intimité quotidienne de cette fausse Marilyn (incarnée de façon tout simplement magistrale par la comédienne Sandra Korzeniak, aux côtés de quatorze interprètes également remarquables), Krystian Lupa brise la vitre derrière laquelle transparaît l’image du mythe. Il nous ouvre les portes d’un laboratoire à l’intérieur duquel s’éprouve le rapport entre le vrai et le faux, entre le fantasme et la réalité, entre le théâtre et la vie, entre ce qui « est » et ce qui se contente de « vouloir être ». C’est une Marilyn fragile, quotidienne, charnelle qui nous fait face. Une Marilyn terriblement touchante — par moments brûlante, par moment anesthésiée — une femme qui « est » pleinement. « Etre » Marilyn Monroe : une question touffue qui vient finalement mettre en perspective les fondements et les implications de tout « être au monde ». Une question qui donne corps à une performance de comédienne impressionnante, à trois heures de grand théâtre.
 
Manuel Piolat Soleymat

 

Persona.Marilyn, texte, mise en scène et scénographie de Krystian Lupa (spectacle en polonais, surtitré en français). Du 3 au 7 mai 2011, à 20h30. Théâtre Nanterre-Amandiers, 7, avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre. Réservations au 01 46 14 70 00. Durée de la représentation : 3h avec entracte. Spectacle vu en décembre 2010, au Manège de Reims, dans le cadre du festival Reims Scènes d’Europe.

A propos de l'événement




A lire aussi sur La Terrasse

  • Jazz / Musiques - Gros Plan

La Voix est toujours libre

Menacé par le retrait d’une subvention, le [...]

  • Jazz / Musiques - Agenda

Olivier Le Goas

JazzLe batteur signe l’un des moments forts [...]

  • Danse - Agenda

Show en mai

Quatre spectacles, trois films, des [...]