Avignon - Entretien

Penthésilé.e.s – Amazonomachies de Marie Dilasser, conception et mise en scène Laëtitia Guédon

Penthésilé.e.s – Amazonomachies de Marie Dilasser, conception et mise en scène Laëtitia Guédon - Critique sortie Avignon / 2021 Avignon


Chartreuse de Villeneuve lez Avignon / texte Marie Dilasser / conception et mise en scène Laëtitia Guédon

Quelle est la genèse de ce spectacle ?

Laëtitia Guédon : Il y a très longtemps que je souhaitais travailler sur le mythe de Penthésilée, que j’ai découvert à l’adolescence à travers la pièce d’Heinrich von Kleist. Dans mon travail de metteuse en scène, j’aime associer des auteurs vivants à l’écriture des spectacles, tels précédemment Koffi Kwahulé ou Kevin Keiss. C’est pourquoi j’ai passé commande d’un texte afin d’explorer au-delà du poème initial un enjeu central à mes yeux : le rapport au pouvoir, à la puissance de cette figure féminine guerrière. Je me suis adressée à Marie Dilasser, dont j’aime l’écriture poétique et lyrique. Associant à la grandeur de la tragédie un aspect incisif et corrosif, elle a écrit un oratorio très beau, comme un livret d’opéra dont on aurait à reconstituer la partition sonore, musicale et chorégraphique. Cette forme très ouverte permet de créer au plateau une porosité entre les arts, entrelaçant théâtre, danse, musique, chant et vidéo.

Comment la pièce est-elle structurée ? 

L.G. : Le prologue commence par la mort de Penthésilée sur le champ de bataille, dont on ne sait si elle résulte de son suicide ou du combat contre Achille. Puis la première partie se tient dans un entre-deux mondes, qu’on pourrait appeler le purgatoire ou le Styx, en cet instant suspendu entre la vie et la mort. Dans cet espace mystérieux, sanctuaire intime qui à mes yeux s’apparente aux hammams de mon enfance, Penthésilée est amenée à se révéler. Dans une approche mythologique, elle est d’abord incarnée par la comédienne québécoise Marie-Pascale Dubé, connue pour le travail singulier qu’elle a effectué sur le chant de gorge inuit. Puis la jeune Lorry Hardel prend le relais, donnant corps à un féminin puissant, conquérant, en lutte avec ses doutes intérieurs. A l’inverse, Achille, interprété par Seydou Boro, danseur et artiste accompli, paraît âgé, abîmé par les guerres. Ensuite, lorsque la brume se dissipe pour laisser place à la seconde partie, on passe d’un monde archaïque au monde d’aujourd’hui, avec une Penthésilée 2.0 au croisement de l’animal, de l’homme et de la femme, portée par Seydou Boro. Accompagné par les créateurs Jérôme Castel, Grégoire Letouvet et par le chef de chœur Nikola Takov, un chœur de quatre comédiennes formées au chant lyrique fait entendre un répertoire métissé, qui s’ouvre par un kaddish en araméen, suivi de partitions de Mozart, Haendel, Cristobal de Morales…

« L’écriture fait advenir un nous, qui interroge une possible réconciliation entre le féminin et le masculin. »

Comment envisagez-vous la relation entre Penthésilée et Achille ?

L.G. : Dans le mythe originel, Penthésilée et Achille connaissent une passion fulgurante née sur le champ de bataille aux portes de la mort. Une passion interdite pour la reine des Amazones, tribu guerrière exclusivement féminine. Sans lien avec une vision romantique, cette passion naît selon moi parce qu’ils se reconnaissent : ils sont deux héros guerriers égaux, deux egos, électrons libres dissidents qui ne sont pas aux ordres. Et comme le montre l’évolution du personnage, Penthésilée est une figure plurielle, ambivalente. Dans la seconde partie de la pièce, l’écriture plus oblique que frontale se transforme. Quasi dégenrée, elle fait advenir un nous, qui interroge une possible réconciliation entre le féminin et le masculin.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement


Penthésilé.e.s - Amazonomachies de Marie Dilasser
du mardi 6 juillet 2021 au mardi 13 juillet 2021

Festival d’Avignon. Chartreuse de Villeneuve lez Avignon

à 16h, relâche le 9. Tél : 04 90 14 14 14. Durée : 1h40.


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