Théâtre - Critique

Pantagruel

Pantagruel - Critique sortie Théâtre Paris Athénée Théâtre Louis-Jouvet


Tournée / d’après Rabelais / adaptation et mes Benjamin Lazar

C’est presque par effraction que le comédien arrive sur scène, dans une ambiance crépusculaire, avec une loupiote à la main et une sur le front. Mais ce plateau sombre et quasiment nu devient vite un monde immense où brillent de mille feux les lumières du savoir ! Quel talent ! Benjamin Lazar et Olivier Martin-Salvan nous impressionnent : le théâtre combine ici tous ses effets avec maestria. Athlète de la parole au corps imposant, Olivier Martin-Salvan est un géant de la scène qui l’habite et la parcourt avec gourmandise, appétit et une incroyable virtuosité. De grandioses paroles traversent ainsi le plateau, et rejoignent le public ébahi par la performance, de l’érudit au lycéen. Des poignées de paroles bien dégelées et réchauffées par celui qui les porte (à l’instar de Jean Bellorini avec ses Paroles gelées). Des paroles intrépides qui laissent émerger allégresse et humanisme. Moine, prêtre, médecin, traducteur, homme de lettres, botaniste, polyglotte et hellénophone, Rabelais est un esprit libre qui dut fuir les foudres obscurantistes. Sous le nom d’Alcofribas Nasier, il publie les aventures de Pantagruel en 1532. C’est en langue originale que Benjamin Lazar a voulu rendre compte des « Horribles et Epouvantables Faits et Prouesses du très renommé Pantagruel, roi des Dipsodes », fils du géant Gargantua et de Badebec, morte en couches.

Vigueur et intelligence

« Détacher la forme du fond nous semblait dommage. La langue est ancienne, certes, mais on sent la modernité de l’écriture de Rabelais. De plus, cette langue est faite pour être dite. » indique le metteur en scène dans nos colonnes (La Terrasse n° 214). La scénographie et les costumes évoquent un univers brut et primitif, proche de Dame Nature, bien loin de toute mode et de tout artifice, si ce n’est celui du théâtre. Tout commence par le récit de la naissance de Pantagruel, qui grandit, étudie, fait bonne chère des ouvrages de la bibliothèque de Saint-Victor lors d’une scène hilarante, où l’esprit et les sens s’entremêlent joyeusement. Il croise le déroutant Panurge et Epistemon. Un détour par le Quart Livre aussi et par le fameux périple des paroles gelées. La mise en scène au fil d’épisodes saisissants laisse voir la magie et la chair de la langue et s’aventure au-delà des mers sur des rives merveilleuses et poétiques, jusqu’à un pays étrange et fantastique envahi de méduses dorées qui voguent dans les airs. Les musiciens Benjamin Bédouin (cornets et flûtes) et Miguel Henry (luth et guitare) accompagnent Olivier Martin-Salvan, qui incarne le narrateur et tous les personnages, sur une musique aux accents baroques ou contemporains composée par David Colosio. Un spectacle qui célèbre avec vigueur et intelligence l’artisanat du théâtre et la puissance de la langue, l’imagination et le savoir.

Agnès Santi

A propos de l'événement


Pantagruel
du jeudi 7 novembre 2013 au samedi 30 novembre 2013
Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Square Louis Jouvet, 75009 Paris.
 

CDDB, Théâtre de Lorient. Du 14 au 18 janvier 2014. Tél : 02 97 83 51 51. Théâtre des Treize Vents à Montpellier. Du 18 au 21 février 2014. Tél : 04 67 99 25 00. La Scène Watteau à Nogent-sur-Marne. Le 8 mars 2014. Tél : 01 48 72 94 94. Etc. Spectacle vu au Théâtre de l’Athénée. Durée : 1h40. 

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