Théâtre - Entretien

Novecento par André Dussollier

Novecento par André Dussollier - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Porte Saint-Martin


texte d’Alessandro Baricco

Comment avez-vous découvert le texte d’Alessandro Baricco ?

André Dussollier : Il m’avait beaucoup plu dans les années 2000, mais il était joué par Jean-François Balmer à la Pépinière-Opéra et les droits n’étaient pas libres. Dix ans plus tard, à la faveur d’une discussion avec un producteur qui recherchait un spectacle alliant les mots et la musique, j’ai repensé à Novecento. Je l’ai relu et il m’a paru idéal. Cette histoire d’enfant abandonné sur un bateau dans les années 1920 est bien sûr un monologue mais le texte parle tellement de musique qu’elle m’a semblé avoir sa place comme un personnage à part entière et non comme un accompagnement. Au départ, Alessandro Baricco n’était pas favorable à la présence de musiciens sur scène, il pensait qu’il fallait laisser le public rêver à la musique. Moi, j’ai eu tout de suite les morceaux en tête, je trouvais que la musique avait, à certains moments, la faculté de prolonger l’émotion du récit et des mots. L’auteur a finalement été convaincu !

« C’est en restant fidèle à soi-même qu’on touche le bonheur le plus grand. »

Novecento est-il un homme libre qui vit comme il l’entend, ou, au contraire, a-t-il peur de se confronter aux autres ?

A.D. : À chaque fois que je me retrouve sur la passerelle [de laquelle Novecento refuse de descendre plus de trois marches vers la terre, NDLR], je me dis qu’on peut penser qu’il a peur du monde, de la réalité que nous sommes contraints d’affronter, alors que là réside le courage humain. Cette option existe, mais elle est démentie à d’autres moments car Baricco n’en fait pas un exemple. Souvent, quand on est au milieu des autres, on essaie de faire son trou, et dans cette bataille, on risque de perdre sa singularité. Novecento raconte cela : qu’on descende ou non à terre, il ne faut pas se perdre.

Justement, de quoi ce conte est-il la parabole ?

A.D.  : On peut dire que c’est une parabole de la création artistique : qui veut être proche de son art va plus loin avec les 88 notes de son piano qu’en s’éparpillant. Mais la parabole vaut pour tous les métiers. Même si on doit passer toute une vie à être proche de soi, sans faire de concessions – ou le moins possible –, c’est en restant fidèle à soi-même qu’on touche le bonheur le plus grand. La plus grande souffrance, c’est de divorcer avec soi-même, de se séparer de ses envies ou de ses idées profondes. Personne n’est à l’abri de ce risque. Même quand on a suivi le métier de créateur, d’auteur ou du comédien, on n’est pas l’abri du confort qui pourrait être une sorte de voie de garage ou d’enterrement. Il faut toujours essayer de tendre vers quelque chose qui va vous surprendre et vous entraîner vers un terrain que vous ne connaissez pas et qui va aussi entraîner les autres. Mais quand on est seul à choisir, on est vraiment tout seul, sans connaître le résultat : vous pouvez avoir de bonnes surprises… et peut-être pas.

Entretien réalisé par Isabelle Stibbe

A propos de l'événement


Novecento
du mercredi 9 janvier 2019 au dimanche 24 février 2019
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 boulevard Saint-Martin, 75010 Paris.

du mardi au vendredi à 20h, samedi 20h30, dimanche 16h. Du 28 février au 31 mars : du jeudi au vendredi 20h, samedi 20h30, dimanche 16h. Tél. : 01 42 08 00 32.


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